Trop tôt, vraiment trop tôt !

mardi 20 juillet 2021

Michel Husson avait participé a la création d’AC ! avec des textes, prises de parole et participations aux manifestations.

Dans un courriel récent, il nous offrait la possibilité de reprendre librement ses textes sur le site. La fréquentation de son Hussonet était un régal pour l’intellect du militant. Ses livres sont en clair et net un démontage du capitalisme.

Il va nous manquer pour faire fonctionner les "armes de la critique", et à un moment ou le cynisme du libéralisme mondialisé marque chaque jour des points.

Tristesse et colère.

Alain Véronèse.

http://hussonet.free.fr/

Ci-dessous un billet de Jean-Marie Harribey

Michel Husson : derrière l’économiste, l’homme | L’économie par terre ou sur terre ? | Jean-Marie Harribey | Les blogs d’Alternatives Économiques (alternatives-economiques.fr)

Michel Husson nous a quittés. La nouvelle nous laisse sans voix. Faut-il rendre d’abord hommage à l’économiste hors pair qu’il était ou bien à l’homme pétri de gentillesse et d’humour ravageur, doté d’un sens pédagogue peu commun pour décortiquer les études les plus techniques ?

Michel Husson fait partie d’une génération d’économistes-statisticiens, formés à la rigueur scientifique tout en possédant une culture d’économie politique critique fondée à la meilleure source : Marx. Il compte parmi les quelques rares analystes ayant consacré leur travail à analyser l’évolution du capitalisme contemporain mondialisé et financiarisé en utilisant les concepts de suraccumulation du capital et de taux de profit dont l’évolution rythme les transformations du capitalisme. Des transformations dont les conséquences sur le travail, la répartition des revenus, la protection sociale ont été au centre de ses préoccupations pendant toute la période néolibérale. Michel Husson fut entre autres l’un les plus ardents défenseurs de la réduction du temps de travail et ses travaux récents montraient encore l’enjeu qu’elle représentait même au temps de la crise sanitaire. Et le moindre de ses mérites n’est pas de s’être dégagé d’une culture productiviste, trop longtemps véhiculé par les mouvements progressistes, pour prendre en compte la crise écologique et associer sa résolution à celle de la crise sociale.

On n’aura une idée de l’ampleur du travail accompli par Michel Husson en regardant son site « hussonet », qui est une mine documentaire sans pareille, constitué autant de textes courts et pédagogiques que d’analyses approfondies grâce à une maîtrise des outils économétriques lui permettant de montrer l’inanité de beaucoup de travaux académiques se réclamant de l’orthodoxie, comme la baisse des salaires qui devrait soi-disant augmenter l’emploi, ou bien, lui le mathématicien-statisticien, de mettre en évidence la prétention scientifique des modèles néoclassiques.

Mais cette maîtrise qu’il déployait professionnellement, notamment à l’Institut de recherches économiques et sociales (IRES) dans la dernière partie de sa carrière, il la mettait à disposition en participant le plus activement possible aux associations engagés dans la bataille sociale : Attac, la Fondation Copernic, les Économistes atterrés, sans parler de ses engagements syndicaux et politiques. On ne compte plus ses contributions à des œuvres collectives sur la crise du capitalisme, les retraites ou la dette publique, notamment sa participation à l’Audit de la dette publique grecque en 2015 à Athènes.

On aura aussi un aperçu de l’intelligence de son humour si on lit la citation grotesque d’un économiste bien-pensant le concernant, qu’il avait mise en exergue de son site : Michel Husson, « idéologue inconnu du monde académique se livrant à une critique incompétente ».

C’est que Michel Husson restera aussi pour sa contribution à la démystification de la prétendue épistémologie de l’économie néoclassique, car, pour lui, ce qui importait sans doute le plus, c’était de replacer l’économie dans le cadre des rapports sociaux d’exploitation et d’aliénation. Du point de vue de Michel Husson, l’analyse en termes de classes n’a pas pris une ride. Que son message puisse être poursuivi dans les batailles sociales qui restent devant nous. Sa disparition nous bouleverse. Pas seulement pour son talent qui s’en va, mais pour la place qu’il tenait amicalement dans un combat collectif.

19 juillet 2021

Michel Husson : un militant qui fait de l’économie
et un économiste qui s’engage en politique
Éric Toussaint

La mort de Michel Husson laissera un vide dans le cœur de beaucoup de camarades autour de la planète.

Michel Husson (1949-2021) qui avait une solide formation d’économiste suivait au plus près l’évolution du système capitaliste pour contribuer à son renversement et à l’émancipation sociale.

Michel a toujours clairement revendiqué son accord avec la théorie économique élaborée par Marx et il tentait d’y apporter sa contribution en se penchant sur le présent. Il avait été influencé par les travaux d’Ernest Mandel (1923-1995), dirigeant de la Quatrième internationale et économiste. Michel Husson lui a consacré plusieurs articles dont le dernier a été rédigé en 2020 pendant la pandémie du coronavirus.

Michel Husson était internationaliste. Il avait dans les années 1980 suivi de très près les luttes sociales et politiques en Amérique latine en général et au Mexique en particulier où il avait travaillé entre 1985-1987. C’était l’époque de la montée révolutionnaire en Amérique centrale (Nicaragua, El Salvador, Guatemala,…). Un livre a résulté de son expérience au Mexique : La tourmente mexicaine publié en 1987. Ce livre qui est disponible en accès libre sur le site de Michel Husson : http://hussonet.free.fr/tourmente1987.pdf constitue une bonne introduction à l’histoire politico-économique du Mexique à partir du début du XXe siècle. Michel Husson était actif dans la Quatrième internationale et sa section française, la Ligue Communiste Révolutionnaire. A cette époque, il s’intéressait beaucoup à la question du Tiers Monde et avec son camarade et ami Thomas Coutrot il avait écrit en 1993 un petit livre pédagogique Les destins du Tiers Monde qui constituait une bonne introduction pour comprendre la situation économique et sociale des pays du « Sud » dans leur diversité. Lorsque le CADTM, Comité pour l’Annulation de la dette du Tiers Monde, créé en 1990 en Belgique a commencé à développer des activités, Michel Husson a tout de suite collaboré activement en participant à des rencontres internationales et en fournissant des articles pour ses publications. Régulièrement il avait le souci d’envoyer des documents qui pouvaient être utile aux travaux et à l’activité du CADTM.

Michel Husson multipliait aussi les exposés de formation et la participation à des séminaires économiques marxistes notamment à l’Institut International de Recherche et de Formation basé à Amsterdam (voir le site de l’IIRF – IIRE : https://www.iire.org/fr ).

A partir de la deuxième moitié des années 1990, Michel Husson publie successivement plusieurs livres dans lesquelles il analyse l’évolution du système capitaliste international : Misère du Capital, une crique du néolibéralisme (1996) ; Six milliards sur la planète : sommes-nous trop ? (2000) ; Le grand BLUFF capitaliste (2001) ; Un pur capitalisme (2008). En 2012, il publie aussi Le capitalisme en 10 leçons. Petit cours illustré d’économie hétérodoxe qui a été illustré par le dessinateur Charb.

Il soutient également dès le départ la création d’ATTAC en 1998 et devient un des membres de son conseil scientifique. A partir de 2001, il participe à la dynamique du Forum social mondial et du Forum social européen. Il participe également en Amérique latine aux activités de la Société d’économie politique latino-américaine (SEPLA) crée en 2005 au Mexique. Lui et moi, ainsi que Gérard Duménil, avions été invités à la création de la SEPLA et avons participé régulièrement à des colloques qu’elle a organisés dans différents pays du continent.

En mars 2008, alors qu’Haiman El Troudi le ministre de la planification économique du gouvernement d’Hugo Chavez m’avait demandé de faire des recommandations sur la politique économique à suivre, j’avais organisé à Caracas avec Michael Lebowitz un séminaire auquel Michel avait accepté de participer. Le séminaire a duré 4 jours au cours desquels nous avons écouté toute une série de témoignages de première main sur l’état réel de l’économie et à partir desquels nous avons essayé d’élaborer des propositions pour opérer un tournant dans la politique menée. Il fallait un virage qui aurait impliqué une beaucoup plus grande participation des travailleurs et travailleuses notamment par la pratique du contrôle ouvrier. Il aurait fallu également augmenter les salaires, améliorer le logement, auditer la dette, renforcer le secteur public, apporter des améliorations substantielles à la politique agraire, à la politique énergétique, accélérer le lancement de la Banque du Sud. A ce séminaire participaient en plus de Michel Husson, des camarades comme Claudio Katz, Eduardo Lucita et Jorge Marchini d’Argentine, Daniel Libreros de Colombie, Orlando Caputo du Chili, Marc Weisbrot des États-Unis. Finalement nos recommandations n’ont pas été prises en compte.
Michel Husson a mis sa capacité d’analyse et de plaidoyer au service de grandes batailles comme la lutte contre les dettes illégitimes (voir plus loin) ou celle pour la réduction généralisée du temps de travail afin de combattre le chômage. Sur la question de la réduction du temps de travail il a publié plusieurs livres, des brochures, des dizaines d’articles, il a participé à de multiples manifestations en France et à l’étranger, dans les années 1990, il a été actif dans des coalitions internationales comme Les Marches européennes contre le chômage et en France il a participé à la fondation de Agir ensemble contre le chômage.

La participation de Michel Husson au combat contre les dettes illégitimes

Michel Husson a tout de suite participé à partir de 1989 à la campagne pour l’annulation de la dette du Tiers Monde notamment en étant actif dans le soutien au collectif qui avait lancé l’Appel de la Bastille pour l’annulation de la dette du Tiers Monde et avait organisé un contre-sommet face au G7 réuni à Paris par François Mitterrand à l’occasion du bicentenaire de la révolution française. C’est dans la foulée de cela qu’il a été très actif aux côtés du CADTM. Après la crise de 2008, Michel Husson s’est investi dans les collectifs d’audit citoyen de la dette lancés en 2011 à l’initiative d’ATTAC et du CADTM en France avec le soutien de nombreuses organisations. Il a apporté une contribution fondamentale à la rédaction de l’étude du CAC sur la dette publique de la France : Que faire de la dette ? Un audit de la dette publique de la France

Le rapport établissait que 59% de la dette publique est illégitime .

En 2015, quand la présidente du parlement grec a institué la Commission pour la vérité sur la dette que j’ai eu l’occasion d’animer en tant que coordinateur scientifique, Michel Husson a accepté d’y participer. Tout comme les 11 autres experts étrangers et la douzaine de Grecs qui ont été membres de cette commission, il a fait cela de manière tout à fait bénévole. Pendant trois mois entre début avril et la fin juin 2015, il s’est rendu régulièrement à Athènes pour participer aux travaux de la Commission. En fait, cela n’avait pas été facile de le convaincre d’être membre car il me disait qu’il pouvait parfaitement participer de l’extérieur et à distance. J’avais dû beaucoup insister en lui disant que sa participation en direct aux discussions collectives constituerait un facteur de succès et de qualité. Une fois qu’il a décidé d’accepter d’être membre, il est devenu un des membres très actifs. Je suis persuadé que cela a constitué une de ses meilleures expériences de travail collectif à cette époque. Il me l’a dit par la suite. Alors qu’il était devenu assez sombre et déçu par l’évolution politique en France, il a retrouvé un véritable entrain en participant aux travaux de la Commission en Grèce. Sa gaieté et son humour pouvaient en témoigner, notamment lorsque Zoé Kostantopoulou, la Présidente du Parlement grec de l’époque, l’invita à dire quelques mots de présentation à la tribune d’une salle de réunion du Parlement grec, il commença son propos en anglais avec un petit sourire en coin en faisant remarquer à l’assistance que sa maîtrise de l’anglais était aussi odieuse que la dette grecque. Michel Husson a participé à la rédaction du rapport de la commission qui recommandait au gouvernement grec de mettre fin au paiement de l’ensemble de la dette réclamée par la Troïka (càd 85 % de la dette grecque) car nous la jugions comme odieuse, illégale, illégitime et insoutenable. Il était présent au parlement grec lorsque j’ai présenté ce rapport au parlement et au gouvernement grecs les 17 et 18 juin 2015. Lorsque le gouvernement a définitivement capitulé face à la Troïka début juillet 2015, le premier ministre a décidé de mettre fin aux travaux de la commission malgré l’opposition de la présidente du parlement. Lorsque nous nous sommes réunis une nouvelle fois à Athènes en septembre 2015 sur invitation de la présidente du parlement grec et malgré l’opposition d’Alexis Tsipras, Michel a rédigé une partie du rapport additionnel que la Commission a adoptée et il a été l’un des rapporteurs au parlement. Si vous regardez la vidéo de son intervention vous constaterez qu’il commence par de l’ironie mais qu’il passe rapidement à une analyse tout à fait rigoureuse.

Au cours des dernières années, Michel Husson a poursuivi son travail de critique de l’économie politique en collaborant notamment avec le site A l’Encontre. Dans de nombreux articles, on trouve des pointes d’humour qui traduisent bien une partie de sa personnalité, notamment sa volonté de débusquer les tartuffes et les « enfumeurs » qui se dissimulent derrière la « science économique ». Il faut lire ou relire par exemple l’article intitulé : « Quand vous lisez un article savant, il y a une chance sur deux pour qu’il ne soit pas digne de confiance ! »

Une dernière illustration de sa rigueur de pensée est fournie par le livre coécrit en 2020 avec Alain Bihr, Thomas Piketty : Une critique illusoire du capital, dans lequel les deux auteurs démontrent la pertinence et la nécessité d’une critique radicale du capitalisme mais également des pseudo-critiques en trompe-l’œil.

Dans un de ses derniers articles paru sous le titre « Biden : miracle ou mirage ? »
Michel Husson s’interroge sur la portée réelle de la politique économique et sociale de Joe Biden. A lire absolument.


Documents joints

le capitalisme en 10 leçons

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