La révolte logique des sans salaire

par Valérie Marange
vendredi 10 avril 1998
par  le réseau d’AC !

Combien de temps peut-on se dérober àl’exigence du réel, quand ceux qui ne peuvent s’y soustraire se révoltent très logiquement, pour éviter la mendicité et la marginalisation sociale ? Combien de temps peut-on ignorer que les « politiques de l’emploi  » ne répondent en aucun cas àla paupérisation massive d’une part croissante de la population, chômeurs, précaires, bas salaires àtemps partiel ? Combien de temps peut-on faire l’économie d’une remise àplat de l’assurance et de la solidarité, d’une refonte de l’État providence qui soit àla hauteur des transformations radicales du travail, de l’emploi et du revenu auxquelles nous assistons aujourd’hui ? Combien de temps la gauche peut-être rester « travailliste  », sans sacrifier le welfare sur l’autel du workfare, en attendant les libéraux pour instaurer une allocation universelle de ressources revue àla baisse ? Peut-on jouer ce jeu longtemps, sans parier en même temps sur une régression fantastique des esprits, en condamnant les « exclus  » àmendier individuellement des faveurs pour répondre àleurs besoins les plus élémentaires, faisant peser sur eux le soupçon de l’inadaptation psychologique (voire génétique, les plus aptes ayant été sélectionnés) ? Doit-on, comme le préconisa un président de l’ANPE française et comme on le fait àNew York, mettre en travail forcé tous les allocataires des minima sociaux, et sera-ce pour les « insérer  » ou pour les punir ? Combien de temps l’exclusion d’une économie de plus en plus restreinte, de plus en plus centrée sur le profit de court terme, de plus en plus dépendante des bulles spéculatives devra-t-elle signifier la perte d’identité sociale et de moyens d’existence ?

Le mouvement des chômeurs et précaires est une bonne nouvelle pour ce pays qui peut-être le sent puisque malgré les tentatives pour le marginaliser, cette révolte logique est restée populaire. Il est une chance pour une modernisation des politiques sociales qui prenne pleinement conscience que la vie ne s’arrête pas aux portes de l’entreprise et de l’emploi salarié classique, et qu’on ne peut plus subordonner la survie des sociétés aux seules lois du marché. Le mouvement des chômeurs, sur fond de crise asiatique, nous rappelle que le modèle économique dans lequel nous vivons n’est pas durable, non seulement parce qu’il a des effets délétères sur la biosphère, mais parce qu’il conduit àl’exclusion des quatre cinquièmes de la planète du champ des droits. À travers leurs propres enjeux de survie, trop urgents pour pouvoir attendre d’hypothétiques créations d’emplois, les chômeurs soulèvent des enjeux d’avenir plus globaux, d’un développement qui ne soit pas seulement celui de l’économie restreinte, mais remette la société au centre des préoccupations.

Revenu d’existence ou workfare

Qu’est-ce qui résiste aujourd’hui àl’option, appelée aujourd’hui par le mouvement social malgré ses cadres « travaillistes  », d’un revenu d’existence garantissant une vie digne et permettant àchacun de développer son activité dans ou en dehors de l’économie restreinte ? C’est, nous disent certains, le rejet de logiques d’assistance, le travail seul garantissant l’autonomie et la construction de soi. C’est, plus platement, qu’il serait dès lors difficile de faire travailler pour le Smic (surtout àmi-temps) des personnes qui pourraient gagner presque autant en ne travaillant pas. Mais faut-il craindre comme un risque majeur que si les minima sociaux devenaient un peu plus « optimaux  », certains emplois sous-payés et abrutissants ne trouveraient plus preneurs ? L’un des problèmes n’est-il pas, précisément, que le chômage génère une baisse globale des rémunérations du travail, ce qui est même assez clairement son but ? Le travail dépendant, orienté par des objectifs mercantiles voire contre-productifs (armes, équipements et consommations destructrices de l’environnement), structuré par des modes d’organisation rigides (ou flexibles par le bas) est-il la seule activité socialisante et utile àlaquelle puisse aspirer l’humanité ? Est-il de plus vraiment nécessaire àla production des richesses matérielles et morales auxquelles nous aspirons également ?

Les objections au revenu d’existence démontrent elles-mêmes la nécessité de remettre àplat le modèle archaïque du travail dans nos sociétés. S’il est vrai que les chômeurs souffrent de l’absence de travail, on ne peut en effet oublier que d’autres souffrent du travail lui-même, qui leur garantit peut-être un statut social, mais bien souvent ni revenu suffisant, ni occasion d’engager et de construire leur subjectivité. Il est compréhensible que certains de ces travailleurs malheureux ne voient pas d’un bon oeil l’augmentation des minima sociaux, et probablement pas faux de prévoir que celle-ci tendrait àdénouer l’obligation de travailler dans n’importe quelles conditions. Mais ceci serait-il si dommageable ? Avons-nous, autrement dit, irrémédiablement besoin d’esclaves, et ceux-ci aucune autre issue que le travail contraint ou la mort sociale ? Faut-il maintenir àgrands coups de subventions des emplois polluants et usants, encourager les patrons àrecruter àbas salaires tout en renchérissant de fait le coà»t de l’emploi qualifié ? Une politique « sociale  » entièrement axée sur une économie aussi assistée que le chômage n’engendre-t-elle pas une guerre de tous contre tous pour l’emploi, délétère pour l’écologie des sociétés ? Pourquoi la Commission européenne s’en prend-elle, par exemple, au nom de l’employabilité au système danois, qui expérimentait un équilibre intéressant entre un revenu garanti élevé et une flexibilité du travail par « le haut  », avec le résultat d’un chômage de longue durée presque inexistant ? Comment, pourtant, ne pas voir que la société du workfare, si elle advient, sera bien plus archaïque et servile que celle du welfare ? Que le choix n’est plus entre « emploi  » et « assistance  », mais entre la garantie de la dignité et sa conditionnalité ?

Revenu d’existence et productivité sociale

Ce qu’a mis en relief le mouvement des chômeurs, dans sa durée, dans ses objectifs, dans sa popularité, c’est l’intensité insoutenable de la paupérisation, qui peut ramener certains d’entre nous àdes conditions dignes du XIXe siècle, et ceci dans un contexte de richesse très différent. C’est aussi la possibilité, àportée de main, de sortir du paradigme du travail forcé, précisément grâce àce contexte d’abondance. C’est enfin que ce changement de paradigme, bien loin de conduire àune sorte d’assistanat généralisé, pourrait représenter le moyen de mobiliser autrement, et bien mieux, la vraie richesse que représente le capital humain, dont le regard psycho-social sur les « exclus  » organise le gâchis. Des mouvements de précaires, tel celui des intermittents du spectacle, ont indiqué l’intérêt, pour le maintien de certaines activités et capacités humaines, d’une allocation de ressources pendant les périodes non salariées. De ce point de vue, l’enjeu du revenu rejoint celui de la réduction du temps de travail, qui est effective et signale l’écart grandissant entre temps employé et production, économie restreinte et économie réelle, si l’on inclut dans cette dernière tous les usages actifs du temps « libre  » : activités de survie, formation et développement personnel, activités bénévoles d’utilité sociale, travail bénévole en amont d’une mission rémunérée, montage de projets, temps consacré àla vie de la cité, etc. Le temps « libre  » compte autant pour le développement et la santé des sociétés que le temps capturé par l’économie restreinte, et la précarisation contribue àcette prise de conscience, que ne méconnaît pas entièrement le discours économique : on mesure aujourd’hui la compétitivité non pas àl’échelle d’un produit ou d’une entreprise, mais d’un pays ou d’un territoire en termes de capital humain, et les ONG de développement local (dans les pays du Sud comme dans nos villes) ont appris às’appuyer sur les ressources du travail informel, auquel ne peut pas toujours correspondre une solvabilisation classique en terme d’emploi privé ou public, ce que les « emplois-jeunes  » risquent encore de démontrer. Ni les trente-cinq heures, ni quelques aides àla création d’emplois dans un « tiers secteur  » pour l’instant mal défini ne sauraient suffire àsoutenir cette richesse humaine et sociale, ces activités indispensables au maintien àflot d’une société, ainsi d’ailleurs qu’àl’employabilité elle-même, si du moins on entend par làautre chose que l’adaptation àla baisse des salaires et au sous-emploi de ses potentialités.

Un revenu garanti décent et réellement cumulable [1], au contraire, pourrait agir bien plus puissamment sur le partage du temps employé que la seule loi sur les 35 heures, et en particulier réduire le chômage de longue durée de façon significative, en favorisant une mobilité sociale non pas contrainte mais désirée. Il pourrait agir sur l’emploi par des mécanismes classiquement keynésiens, en stoppant la baisse des salaires et en relançant la consommation [2]. Il pourrait agir favorablement sur la durabilité du développement économique lui-même, en favorisant une productivité sociale moins inféodée aux profits de court terme, une meilleure écologie territoriale et sociale. Il mériterait d’être appelé « de citoyenneté  », non pas parce qu’il imposerait un contrôle social sur ses bénéficiaires (démarche que la « loi contre l’exclusion  » s’apprête àrenforcer), mais parce qu’il reverserait les augmentations considérables de la productivité au bénéfice d’une vie moins soumise àla nécessité, favorisant les bifurcations professionnelles, l’étude et la participation àla vie de la cité, et donc la production de nouvelles subjectivités.

Du travaillisme au misérabilisme

Les idées pour financer des telles mesures ne manquent pas, àcommencer par la taxation des flux de capitaux, qui ne ferait que rééquilibrer un peu l’écologie relationnelle de l’économie et de la société, quand chaque licenciement contribue àfaire monter les valeurs. Sans aller jusque-là, comment croire qu’aucun remaniement budgétaire n’est possible, quand on va distribuant les aides àl’emploi déqualifié, àl’automobile, àl’agriculture intensive et au bétonnage, àla police et la régulation sociale, tout en abandonnant les sans-salaire àla seule logique stigmatisante de la « lutte contre l’exclusion  », nouvelle forme de contrôle des improductifs dans l’ère post disciplinaire ?

La « faisabilité  » du revenu d’existence n’est pas un problème objectif, pas plus d’ailleurs que la « préservation du Smic  » mise en avant par Jospin, Aubry et Join-Lambert. Que signifie en effet un tel « maintien  » dans les circonstances actuelles, où le Smic a totalement perdu sa fonction de garde-fou, jusqu’àdevenir la norme de l’embauche àbac + 2, voire plus ? Que signifie le « refus de l’assistance  » quand il implique la perpétuation d’une gestion humiliante de la pauvreté, moitié charité, moitié cruauté [3] ? C’est l’ensemble du vocabulaire qu’il faudrait réévaluer quand les « minima  » (même le Smic) tendent àdevenir des « maxima  », quand on parle de « désincitation  » pour qualifier la garantie de survivre, de « politiques de l’emploi  » pour justifier la subvention massive àla baisse des salaires, « d’autonomie  » pour qualifier le régime de la nécessité, « d’employabilité  » quand l’économie française ne sait pas utiliser les docteurs de l’université, « d’incivilité  » des jeunes quand le contrat de progrès intergénérationnel vole en éclats, etc.

Le plus effrayant dans la situation actuelle, ce n’est pas le sort des SDF ni la dégradation de l’état sanitaire des précaires [4], c’est la dégradation de la subjectivité travailliste en misérabilisme. Le vrai obstacle au revenu d’existence aujourd’hui n’est pas son coà»t, c’est qu’il casserait l’ambiance sinistre que les cadres politiques et sociaux et même intellectuels du pays semblent affectionner, quand bien même les indicateurs économiques sont bons. L’omniprésence de la mendicité, toute cette grande affaire de « l’aide sociale  » en plein développement, ainsi qu’une justice des mineurs elle aussi en plein boum, tout cela crée une ambiance, un climat subjectif dont on finit par se demander s’il n’est pas le but recherché des politiques sociales, mais àvrai dire un but suicidaire.

Il est ainsi frappant de voir comment les mêmes acteurs qui, il y a dix ans, s’enorgueillissaient de diriger un des pays les plus scolarisés du monde, n’ont de cesse aujourd’hui de présenter la jeunesse comme paresseuse, illettrée pour une bonne part, tout juste bonne àse faire embaucher au Smic après des années d’études. Il est aussi assez sidérant qu’après des années d’investissements importants dans la politique universitaire, on continue àrépéter que la France manque d’emplois non qualifiés, alors que ceux-ci, déjàen surnombre grâce au dumping social pratiqué depuis des années aux frais du contribuable et des travailleurs qualifiés, sont occupés pour une bonne part (y compris les CES) par des diplômés (reléguant donc les non-diplômés au chômage). Dans cette veine, il est franchement déprimant d’entendre des experts bien intentionnés préférer, entre plusieurs scénarii de création de « nouvelles activités  » d’entretien de l’environnement, ceux qui créeront « le plus d’emplois  », c’est-à-dire des emplois moins qualifiés.

La conditionnalité des minima (RMI mais aussi AAH) et des différentes aides (au logement, àl’endettement, etc.) participe de cette atmosphère, elle permet àdes escouades d’éducateurs et de contrôleurs (dont des travailleurs du social eux-mêmes difficilement « employables  » bien souvent selon le système de valeurs qu’ils servent) de sévir et de moraliser, de démoraliser aussi. Elle est la base ou le sommet d’un système de conditionnalité et de dévalorisation généralisée, réveillant partout des pulsions de petits juges, des petites sentences qui tissent le climat social, obligeant chacun àfaire continuellement preuve de sa civilité et de son mérite. On peut bien comprendre comment tout cela fonctionne, si l’on a en tête tous les micro-pouvoirs, tous les systèmes de dépendance et de capture qui peuvent tirer parti de cette précarisation, depuis les centres d’action sociale jusqu’aux entreprises. Le paradoxe, c’est que les subjectivités travaillistes y sont particulièrement investies, la preuve la plus nette étant évidemment Tony Blair. La morale travailliste française est peut-être plus « catholique  », passant par le plafonnement des ressources pour aboutir àune conditionnalité générale des allocations familiales, qu’on parle maintenant de suspendre aux parents incapables de socialiser leurs enfants Le ressentiment àl’égard des « riches  » ouvre la voie àde nouveaux contrôles sur les pauvres ; tout est question de tonalité affective, entre l’envie et la pitié. Paradoxe ultime, le discours attaquant les « privilèges  » des couches intermédiaires a notamment circulé en France sous couvert de défense des exclus et d’universalisation de la sécurité sociale, laquelle est atteinte au moment même où la conditionnalité des ressources, elle, est plus que jamais affirmée - par les mêmes y compris - comme valeur républicaine.

Le modèle « travailliste  » français, quoique différent du modèle britannique, plus inquiétant peut-être politiquement, ne manque pas de chausses-trappes dans lesquelles s’engouffre une affectivité triste articulée au jugement, àla frustration et àl’absence d’avenir. Dans cette tonalité, on peut classer la « magistrature sociale  » annoncée par Pierre Rosanvallon [5] pour gérer les allocations diverses, qui produit aujourd’hui une inflation sans précédent du travail social, et ces véritables entreprises de médisance que sont les commissions où l’on gère les exclus [6]. On peut aussi y verser la fixation nihiliste des intellectuels français sur des formes vides (de la loi ou de la république, de l’emploi ou de la famille, etc.) excluant tout principe d’espérance, toute communauté, toute production subjective, l’ensemble de l’espace social se trouvant ramené àsa seule gestion pastorale par des spécialistes. On peut encore y inclure l’obligation, pour obtenir dans ce pays des aides àl’initiative, de prouver d’abord que cette initiative concerne une région, un quartier, une population « difficiles  », une souffrance fondant son utilité sociale, une misère transformable en « gisement d’emplois  », en travail. On peut y verser in fine le glissement progressif de la pitié vers la haine, qui a déjàproduit hier des arrêtés anti-mendicité et des « déportations  » des SDF des centres-villes vers les périphéries, et pourrait bien produire demain de nouveaux bannissements ou renfermements.

Une dose de cruauté, une dose de masochisme ? Serait-ce que le créneau est bon, celui de produire la médiation sociale comme misère partagée ? Serait-ce qu’il y a quelque fascination àvoir un pays d’abondance et de culture, un « Ã‰tat de droit  » s’il en fut, produire son tiers ou « quart-monde intérieur  », la misère sociale et mentale, la « désaffiliation  » et la « fracture  », un électorat en déroute ouvrant la douceur saumâtre des hypothèses les plus sinistres, qui exprimeraient au mieux l’humeur du moment ? Serait-ce que le spectacle est beau, beau comme un exclu digne rentrant dans le rang, ou comme une voiture en feu dans un quartier triste ? Si Full Monty ou Marius et Jeannette font salle pleine, si les gens de théâtre montent La Misère du monde, ça prouve quoi ? Que les gens en ont marre du spectacle édifiant que nous joue la société du workfare, ou qu’ils en redemandent ?

La bonne nouvelle des chômeurs

« Tu gagneras ta vie àla sueur de ton front  », le vieux commandement a rarement autant qu’aujourd’hui révélé sa nature punitive, qui fait de l’employabilité travailliste-libérale une formidable opération d’assujettissement, de contamination dépressive, que des chômeurs libérés de toute culpabilité évaluent aujourd’hui froidement, logiquement. Car làest sans doute la bonne nouvelle du mouvement pour l’augmentation des minima, sa révolution galiléenne : la « découverte  » que l’autonomie et la citoyenneté ne dépendent pas tant de l’emploi que d’une base matérielle suffisante protégeant l’individu de la servitude et de la servilité, dans ou hors l’emploi, ce que savaient déjàles citoyens grecs et ce que savent évidemment les rentiers, qui ne semblent guère souffrir de leur exclusion du monde du travail.

Sa bonne nouvelle est ce que certains ont appelé la « précaire pride  », l’auto-affirmation des chômeurs, leur rupture avec la morale de la honte, le souci de soi comme base d’une garantie biopolitique fondamentale. Elle est aussi que ceux dont on prédisait depuis dix ans l’incapacité às’organiser, qu’on assignait au statut d’objet de l’effort des autres associations caritatives, travailleurs sociaux et de l’insertion -, y sont malgré les blocages syndicaux parvenus, actant leur citoyenneté non par « l’insertion  », mais par le support mutuel et le mouvement.

« Toute existence qui peut être niée mérite aussi de l’être  », disait Nietzsche [7]. Les chômeurs ont retenu la leçon et refusent la négation de leur existence. Ils affirment la fierté des précaires comme condition de toute fierté possible, de tout projet d’avenir qui ne se réduise pas àun réalisme vide, àune esthétique de la misère, àun darwinisme social plus ou moins ouvert. Mais nos dirigeants sont-ils prêts àéclairer de tels choix, et apprendront-ils àtemps de l’histoire que les révoltes logiques, même sans « mouvement de masse  », appellent des réformes de l’entendement politique ?

par Valérie Marange
février-mars 1998.

Cet article est extrait de la revue « Chimères  » n° 33 (printemps 1998). Titré « Le désir ne chôme pas  », ce numéro comporte un important dossier sur le travail et le chômage qui inclut divers articles (dont un d’Alain Lipietz) destinés àcontribuer àl’analyse du mouvement de décembre 97 et janvier 98 ainsi qu’àévaluer la possibilité d’un revenu d’existence.

- Chimères, 21 ter rue Voltaire 75011 Paris, tél.-fax : 01.43.48.74.20.


[1« décent  » signifierait ici au-dessus du seuil de pauvreté en tout cas, et de façon suffisante pour permettre de prévenir globalement - plutôt que de réparer après coup de façon individuelle - les catastrophes en terme de logement, de dettes, etc. La cumulabilité ne devrait pas avoir pour « plafond  » le Smic, ce qui serait transformer l’esprit de ce dernier, mais plutôt des « plafond  » déjàinstitués tels que celui de la Sécurité sociale.

[2Voir àce sujet l’article de René Passet « Relever les minima sociaux, une exigence économique  », Le Monde diplomatique, février 1998.

[3Le contrôle des ressources des Rmistes, même en nature (hébergement ou propriété d’un appartement justifient l’amputation du RMI), l’obligation de prouver constamment sa bonne volonté d’insertion, dérivent bien rapidement en investigations indiscrètes sans garanties de secret professionnel (c’est même le contraire qui est garanti dans des administrations telles que la CAF), en interventions paradoxales telles que les suspensions d’allocation logement pour les locataires endettés, en mises en doute de la santé mentale ou du mode de vie, etc.

[4Qui amène d’ailleurs le Haut Comité de la Santé publique àpréconiser « la création d’une allocation universelle de revenu  », Le Monde, 23 février 1998.

[5Le Monde, 5 octobre 1991. Rosanvallon reconnaît d’ailleurs le « danger d’arbitraire  » associé àce contrôle des comportements notamment dans l’attribution du RMI.

[6Voir par exemple : Isabelle Astier, « Entre droit et biographie, les termes d’une contrepartie  », pp. 225-233, Vers un revenu minimum inconditionnel, La Revue du Mauss, n° 7, 1996.

[7Considérations inactuelles, II 4.


Documents joints

La révolte logique des sans salaire
La révolte logique des sans salaire