Chômage en Allemagne

mardi 20 janvier 1998
par  le réseau d’AC !

Comme nous allons bientôt tous nous retrouver àCologne (sa cathédrale, sa bière, son sommet européen), voilàun premier aperçu sur ce qui se passe en Allemagne du côté des chômeurs. Avec :

  • 1/ le système d’indemnisation du chômage en Allemagne (ce n’est qu’un brouillon pour les Assises, le Réseau Européen pour le Revenu prépare, pour Cologne justement, une brochure sur les dispositifs d’indemnisation dans tous les pays d’Europe. D’ailleurs, s’il y a des volontaires pour aider,- infos, traductions, contacts,- n’hésitez pas àvous faire connaître auprès de la Commission Revenu d’AC !).
  • 2/ Notes sur le mouvement des chômeurs en Allemagne.
  • 3/ Traduction de la nouvelle plate-forme des associations de chômeurs allemandes indépendantes, « Pour un autre travail  », janvier 99.
  • 4/ Coordonnées des 4 principaux réseaux de chômeurs.

- 1/ L’Indemnisation du chômage en Allemagne
(version encore très incomplète pour les Assises)

Allemagne, 82 millions d’habitants. Le taux de chômage est de 11 %, ce qui fait environ 4,5 millions de chômeurs officiels.
Forte disparité entre l’ouest, le sud d’une part (en Bavière et en Bade-Würtemberg, le taux est de 7 %) et le nord, l’est d’autre part (dans d’anciennes régions de la RDA, le taux de chômage atteint : 20 % en Saxe-Anhalt, 19 % dans le Meklembourg, 17 % en Saxe. Et encore ce sont les chiffres officiels qui ne comptabilisent pas les « emplois aidés  », les mesures d’insertion, les stages...).
Importance des tribunaux dans la gestion des conflits.
Pas de SMIC, mais des conventions collectives dans les différentes branches définissent des salaires minima (souvent, différences entre anciens Länder, àl’ouest, et nouveaux Länder, àl’est).
L’organisme qui gère l’assurance chômage et l’assistance chômage est de structure tripartite : patrons, syndicats, Etat.
L’office fédéral pour l’emploi (Bundesanstalt für Arbeit ou BA) siège àNuremberg.
Les chômeurs au niveau local ont en général affaire àl’office pour l’emploi (Arbeitsamt), qui gère l’assurance chômage (Alg) et l’assistance chômage (Alhi) et les listes de demandeurs d’emploi,- et/ou au centre d’action sociale (Sozialamt), qui gère les minima.

Assurance chômage (Arbeitslosengeld ou Alg).

Proportionnelle au salaire antérieur. Allocation maximale : 60 % du salaire net,- sauf si enfants àcharge, 67 % du salaire net. Pour y avoir droit, il faut avoir cotisé un an dans les trois années précédentes. La durée de l’allocation dépend de la durée de la cotisation. Il faut être inscrit sur les listes de demandeurs d’emploi, être prêt àaccepter n’importe quel emploi « convenable  ». Un stage de requalification n’ouvre plus les droits àl’assurance chômage. Etant un système assurantiel, l’Alg n’est pas soumis àun contrôle des ressources (contrairement àl’Alhi et àla HLU, cf suite).
2 millions d’allocataires.

Assistance chômage (Arbeitslosen-hilfe, ou Al-hi)

  • Peut intervenir après l’épuisement des droits àl’assurance chômage. Son montant dépend alors du salaire antérieur, il peut être au maximum de 53 % ou 57 % (avec enfants) du salaire net.
    Durée illimitée jusqu’à65 ans si elle intervient après l’assurance chômage.
    Mais depuis 1996, l’Alhi diminue de 3% tous les ans (c’est la « glissade de l’alhi  », la « alhi-Rutsche  »).
  • On peut toucher directement l’Al-hi si on n’a pas droit àl’assurance chômage (après temps partiel, durée de cotisation insuffisante, jeunes en attente de leur premier emploi). Sa durée est alors limitée àun peu plus de 10 mois.

Il faut être inscrit sur les listes des demandeurs d’emploi, être prêt àaccepter un emploi « convenable  ».
1 million d’allocataires.

« Mesures d’incitation àl’emploi  » pour l’Alg et l’Alhi.

Il faut se présenter tous les 3 mois au moins àl’office du travail (Arbeitsamt). Ne pas y aller peut entraîner la suppression automatique de l’allocation sans notification (loi d’avril 97 et du 1 janvier 98, « SGB III  » de son petit nom).
La même loi oblige àl’acceptation de tout emploi au bout de 6 mois si sa rémunération est au moins égale àl’allocation, sans prise en compte de la qualification, sous peine d’une suppression pendant 3 mois de l’allocation.
La même suppression de 3 mois intervient en cas de refus de participer aux récoltes saisonnières. Obligation d’accepter des « contrats d’insertion  » avec activité ou stage, sans rémunération autre que l’allocation, de 2 à12 semaines : ce sont les mesures de « training  » pour tester la volonté d’insertion et l’employabilité des chômeurs (« les tests de tenue de route pour la classe A  », dit-on en jouant sur la classe A de Mercedes,- A comme « arbeitslos/chômeur  »). Le refus des mesures de « training  » peut entraîner aussi le gel de l’allocation pendant 3 mois.
Les radiations sous prétexte d’offres d’emplois refusées ont augmenté de 14 % en 97.

« L’aide sociale  » (les minima sociaux), Sozialhilfe ou SH.

Intervient après prise en compte de toutes les ressources et des aides possibles de la famille.
Demandeurs d’asile allocataires (70 000 en 1980, 760 000 en 1992. Après la loi restrictive de 1993, le chiffre est retombé à400 000. L’aide aux demandeurs d’asile se fait de plus en plus par des aides en nature uniquement).
Deux grandes catégories, en gros, l’une pour les valides et l’autre pour toutes sortes d’invalides.

    • 1. L’aide àla subsistance, Hilfe zum Lebensunterhalt (HLU).

Elle est gérée et financée par les communes.
2,5 millions d’allocataires de l’HLU.
Elle s’articule en trois parties : revenu minimum + prestations pour des besoins précis (logement, charges, vêtements...par exemple, le logement et les charges sont entièrement couverts) + aides ponctuelles d’urgence.
Montant fixé par chaque Land. Légère disparité entre les nouveaux et les anciens Länder : l’HLU est en moyenne, pour une personne seule, de 530 DM [1] par mois àl’ouest, et de 512 DM àl’est pour le revenu minimum + frais de logement (en moyenne, 510 DM) + aides exceptionnelles (en moyenne, 80 DM) = 1 110 DM en tout (3 800 francs), même si le revenu monétaire assuré n’est que de 530 DM (1 800 francs). L’argent que peut toucher un allocataire de la HLU en Allemagne est donc assez semblable àcelui d’un Rmiste « hébergé  » (2 100 francs environ). L’aspect positif de l’HLU allemande est le volet logement qui permet àl’allocataire d’avoir un toit pris en charge par le dispositif, àcondition qu’il ait lui-même trouvé un logement àloyer modéré (ce qui est assez difficile désormais). De fait, il y a moins de SDF en Allemagne.
Pour un couple avec HLU, on ne touche pas deux fois la HLU pleine, mais environ, tout compris (revenu minimum + logement + aides), 1 700 DM (5 780 francs) en moyenne (le revenu minimum assuré, volet 1 de l’HLU, est de 80 % du revenu plein pour le second adulte, 90 % pour un enfant adolescent, de 50 à65 % pour un plus jeune enfant). Il y a un débat qui vise àdémontrer qu’un couple avec 2 enfants àl’HLU a un niveau de vie supérieur au même couple avec enfants de salariés àbas salaires (en particulier, àcause de l’allocation logement, qui ne couvre intégralement le loyer et les charges qu’en cas d’HLU).
Une HLU de parent isolé est de 800 DM de revenu minimum + 700 DM de logement + 140 DM d’aides = 1 840 DM (6 250 francs).
Le dispositif est géré au niveau local ou régional et combine donc fortement un revenu minimum et des aides liées aux « besoins de chacun  ». Le contrôle social par les gestionnaires locaux est donc assez fort puisque le dispositif se fonde sur la connaissance des « besoins  » de chacun, même si le calcul de certaines prestations (vêtements, besoins domestiques...) se fait de plus en plus par calcul statistique qui entraîne souvent leur baisse. Les Verts demandent un dispositif plus général, du genre d’un revenu surtout monétaire (avec augmentation de ce premier volet à800 DM. Les associations demandent en général 1 200 - 1 500 DM).
Les allocataires doivent accepter toute « offre de travail raisonnable  », notion plus contraignante que le « travail convenable  » des allocataires de l’assurance chômage. Il peut s’agir d’un emploi en dehors des normes du droit du travail et ne respectant pas les taux de rémunérations des conventions collectives, par exemple des travaux d’utilité collective rémunérés de 1,5 à3 DM de l’heure (nettoyer les jardins, les piscines, les trottoirs...). La loi de 1993 (« Loi de consolidation  ») fait obligation aux communes de créer ce type d’emplois, en particulier pour les jeunes. Un refus d’emploi conduit àla réduction automatique de 25 % de l’HLU, éventuellement (en cas d’entêtement dans le refus, sans action juridique de défense) àsa suppression.
Cumul possible avec un salaire n’excédant pas 260 DM par mois.

    • 2. L’aide dans des conditions particulières de vie, Hilfe in besonderen Lebenslagen (HLB).

Une douzaine de catégories différentes d’HLB, qui concerne avant tout les personnes invalides, handicapées...
1, 6 million d’allocataires.

  • 2/ Notes sur le mouvement des chômeurs en Allemagne : petit chat pas content, rhinocéros furieux et corbeau malin.

Le 5 février 1998 a eu lieu la première journée d’action nationale des chômeurs allemands qui ont explicitement désigné le mouvement français comme un modèle (selon le slogan : « apprendre des chômeurs français, c’est apprendre àse défendre  »). Mais c’est plutôt d’un mouvement ancien qu’il s’agit, renaissant de ses cendres grâce àla couverture médiatique des événements français et le coà»t social désastreux de l’unification allemande.
En 1982 a eu lieu àFrancfort le premier congrès fédéral des associations de chômeurs allemandes. La première moitié des années 80 a été marquée en général par l’éclosion de centaines d’associations de chômeurs, en gros divisées entre associations indépendantes proches des milieux alternatifs, anarchistes, autonomes des années 70 et associations de chômeurs au sein des syndicats, où l’on a pu retrouver de nombreux militants d’extrême-gauche. L’atmosphère était àl’affrontement ou àl’incommunicabilité complète entre ces deux tendances, qui se sont déchirées au congrès de 82 : Droit au revenu contre Droit àl’emploi, 1 500 Marks pour tous contre Semaine de 35 heures, Abolition du salariat contre Du travail pour tous,...etc.
Concrètement, et malgré la création en 1984 de la KOS de Bielefeld (le centre de coordination des chômeurs syndiqués, qui est aujourd’hui un relais essentiel pour la diffusion de l’information avec une lettre périodique diffusée à4 000 exemplaires et un fichier électronique regroupant 2 000 adresses), la mobilisation des chômeurs par les syndicats est restée àcette période àpeu près nulle. En revanche, les associations autonomes qui avaient imposé au Congrès de 82 la revendication centrale d’un « revenu d’existence pour tous  » ont multiplié des actions locales sans parvenir àorganiser des mobilisations au niveau fédéral du fait de leur dispersion : appropriations de richesses dans les supermarchés, actions transports gratuits, fraude systématique sur les compteurs de gaz ou d’électricité, squatts. Les associations se partageaient surtout sur le caractère àdonner àl’exigence du revenu : revendication adressée àl’Etat ou appropriation directe de richesses. En tous cas, le mot d’ordre était : « sans emploi, mais pas sans défense  » (avec comme symbole un rhinocéros tout rouge et furieux).
Dans les mêmes mouvances se sont développées de nombreuses associations de Jobbers selon une conception offensive et un choix délibéré de la précarité : remise en cause du modèle de l’emploi salarié par le choix d’une alternance entre périodes de chômage et périodes d’emploi (être un « chômeur par rotation  »), d’emplois intermittents ou àtemps partiel...etc. Ces Jobbers avaient repris comme insigne le petit chat noir hérissé des wobblies américains, - ce qui explique qu’on retrouve ce signe dans les manifs en Allemagne, devenu le symbole du refus du « travail forcé  ». En 88, le second Congrès fédéral des associations de chômeurs àDusseldorf était intitulé : « Congrès des associations de chômeurs et de précaires  » et a permis pour la première fois un embryon de mobilisation nationale contre les mesures aggravées de contrôle sur les ressources des allocataires (une bataille pour un temps gagnée grâce àune bataille juridique qui suivit).
A la fin des années 80, ces groupes ont eu tendance àse dissoudre ou às’affaiblir fortement. Peu àpeu, de nombreux chômeurs se sont retrouvés « pris en charge  » par les luxueux centres de conseil des syndicats ou les associations chrétiennes.
Néanmoins, lors du Congrès de 88 et du Congrès des BAG en 92 (groupes de travail au niveau fédéral contre le chômage et la pauvreté), les revendications des associations de chômeurs rescapées ont été formulées de façon très claire dans les célèbres « 13 thèses contre la fausse modestie et le silence des exclus et pour une allocation universelle d’existence  ». D’après ces dernières, leur conception du revenu d’existence rompt sur 4 points avec la politique sociale traditionnelle : par la somme revendiquée pour cette allocation universelle d’existence (part de la richesse sociale, et non plus minimum de survie), par la disjonction opérée entre emploi salarié et revenu, par la critique de l’idéologie du travail, par la critique de la division du travail selon des critères sexuels entre autres. La critique du travail est plus importante qu’on ne le croit en Allemagne, par réaction contre la tradition historique dominante imprégnée de protestantisme industrieux, par critique écologique du productivisme, par traumatisme historique fort (les campagnes contre les « asociaux  » en RDA, et évidemment les slogans nazis des Camps de concentration du type « le travail rend libre  »).
Ces dernières années, les associations de chômeurs se sont surtout repliées sur des activités de conseils juridiques (auto-défense sociale incarnée par le symbole du corbeau malin) et autres. Mais l’offensive néo-libérale et l’unification allemande aidant, on se retrouve aujourd’hui avec un chômage de masse dans les nouveaux Länder (dans l’ancienne RDA, plus d’un quart de la population active est au chômage) et une précarisation de l’emploi dans les anciens Länder de la RFA (montée de l’interim autrefois quasi inexistant = + 25 % depuis 92, montée du temps partiel surtout féminin, jobs...). En tout, on peut compter au moins 15 millions de chômeurs et précaires en Allemagne, dont 4,6 millions de chômeurs, 1 million d’emplois aidés (emplois « ABM  »), 5,6 millions de salariés que le Ministre du Travail allemand considère comme « très mal payés  », 2 millions de temps partiels, 2 millions d’emplois intermittents... Il faut mentionner aussi le problème spécifique des femmes célibataires et des retraités de l’ex-RDA dont le niveau de vie a chuté de manière spectaculaire.
C’est surtout cette situation qui a réveillé la combattivité des associations de chômeurs allemandes. D’abord avec l’émergence de regroupements de chômeurs dans l’ancienne RDA, comme le ALV (l’union des chômeurs d’Allemagne), souvent très centralisés, très étroitement liés aux syndicats, souvent proches du PDS, l’ancien Parti communiste est-allemand « rénové  », et encore imprégnés de l’idéologie du plein emploi des Pays de l’est. Par exemple, l’ALI, l’association des chômeurs de Thuringe a organisé ces derniers mois les plus grosses manifestations de chômeurs et a pour cadres des permanents du DGB (la confédération des syndicats), voire d’anciens permanents du FDGB (l’ancien syndicat de RDA). Ces associations sont peu portés sur les actions concrètes, jouent plutôt un rôle au niveau européen (direction de l’ENU pour Klaus Grehn, le président de l’ALV) ou politique (soutien au PDS via la Déclaration d’Erfurt et la manif du 20 juin dernier, un appel àune « vraie  » politique de gauche au Bundestag).
Le mouvement syndical au niveau confédéral lui a cherché plus ou moins àmobiliser les chômeurs pour soutenir la campagne électorale sociale-démocrate et son candidat àla Chancellerie, Gerhard Schröder, qui se présente pourtant ouvertement comme un « Tony Blair allemand  » qui s’est déclaré favorable àdes solutions du type Kombi-Lohn (le « salaire-combi  », bas salaire + aide sociale basse = pas grand-chose). Mais le DGB est un machin tellement énorme qu’on peut y trouver toutes sortes de positions et on peut penser que le départ spectaculaire d’Oskar Lafontaine du gouvernement Schröder réveillera la combattivité de certaines branches syndicales vis-à-vis de ce gouvernement du « nouveau centre  », comme il se définit lui-même (« nous ne ferons pas une autre politique que Kohl, mais nous la ferons mieux  », dixit Schröder pendant la campagne électorale). Ainsi le bureau de coordination de Bielefeld est financé par certaines branches et pas d’autres, IG Metall s’agite pour la semaine de 32 heures, certains groupes syndicaux locaux, parfois animés par des militants d’extrême gauche ou ce qui reste du Parti communiste ouest-allemand, prennent part aux actions de chômeurs, prêtent leurs locaux ou les soutiennent financièrement. Néanmoins, les thèmes principaux des syndicats sont liés àl’emploi et au revenu des salariés en poste. En revanche, les groupes de chômeurs syndiqués et la coordination de Bielefeld ont repris la plupart des revendications « historiques  » du mouvement des chômeurs, comme le revenu garanti de 1 500 marks (+ loyer et chauffage) et la gratuité des transports, articulées àune réduction « radicale  » du temps de travail.
Quant aux associations de chômeurs indépendantes, elles viennent de lancer une nouvelle campagne pour l’année 99 (contre le SGB III, pour une RTT radicale et la revalorisation des revenus), et ont rédigé une nouvelle plate-forme, « pour un autre travail  ». La tendance est plutôt àdes collaborations ponctuelles avec les forces syndicales, même si cela ne va pas sans tensions (l’échec de la manif du 12 septembre 98 àBerlin qui est supposée avoir été « sabotée  » par le DGB), ni scènes burlesques (le ressemblement des chômeurs àNuremberg en avril se tenait ainsi sous une banderole signée « Autonomie organisée / Refusons les travaux forcés du salariat  » et 1 000 ballons fournis par le DGB avec le slogan : « nous voulons du travail  »).
Les journées d’action chaque mois àl’annonce des chiffres du chômage par la BA de Nuremberg (l’administration fédérale du travail, instance tripartite, Etat-Syndicats-Employeurs, qui fait office àla fois de direction de l’UNÉDIC et de l’ANPE) ont rassemblé l’an dernier àpeu près 50 000 chômeurs et précaires. Les revendications posées sont aujourd’hui toujours les mêmes : revenu garanti de 1 200 à1 500 marks (ça varie suivant les associations), avec en plus le loyer et le chauffage, annulation des mesures de contrôle social instaurées en janvier 98 sous le nom de SBG III (pointage, preuves de recherche d’emploi, stages de training obligatoires), RTT à35/32/30 (ça varie aussi) par semaine sans baisse de salaire, refus du « travail forcé  » (emplois municipaux àla rémunération ridicule offerts aux allocataires sous peine de radiations, envoi de chômeurs àla campagne pour faire les récoltes àla place des saisonniers immigrés,- cf le gag de l’asperge) et aussi la fin de la discrimination envers les demandeurs d’asile qui, depuis le compromis SPD-CDU de 1993, ne peuvent accéder qu’àune protection sociale extrêmement réduite (aides en nature).

  • 3/ Plate-forme « Pour un autre travail  », Bad Bevensen, janvier 1999 BAG-Erwerbslose, Groupes de travail au niveau fédéral des associations de chômeurs indépendantes

Après le premier congrès des associations de chômeurs en 1982 àFrancfort se sont constitués les groupes de travail au niveau fédéral (BAG) des associations contre le chômage et la pauvreté. Ils étaient supposés pouvoir regrouper différentes orientations politiques, travailler sur des thèmes concrets (dans les commissions « bilan et perspectives  », « revenu d’existence  », « politique de l’emploi  » et « coopération internationale  »), et fonctionner selon des principes démocratiques (du bas vers le haut).
Parmi les résultats, on peut compter : le second congrès fédéral en 1988 àDusseldorf, la campagne contre le « contrôle des ressources  » en 1988, la campagne contre le travail forcé, le développement de la revendication de « l’allocation d’existence  », la construction du réseau européen « Ithaque  ».
Dès le milieu des années 80, une partie des groupes de chômeurs syndiqués quitta ce réseau et fonda le bureau de coordination des associations syndicales de chômeurs àBielefeld. Après l’unification allemande (1990), la Fédération des Chômeurs Allemands (ALV) se constitua dans l’ex-RDA.
Ainsi, les groupes de travail contre le chômage et la pauvreté ne sont pas parvenus àformer la coordination puissante d’associations de chômeurs, d’allocataires des minima et de jobbers qu’ils s’étaient fixées pour but de constituer.
La coordination syndicale de Bielefeld, la Fédération des chômeurs allemands (ALV), les Commissions fédérales des allocataires des minima (BAG-SHI), le réseau des Marches Européennes, et les Commissions fédérales-Chômeurs (BAG-Erwerbslose) ont tous développé leur propre structure et leurs propres formes d’action politique.
La revendication d’une allocation d’existence, posée en février 1992 par les Commissions fédérales-Chômeurs comme une position primordiale et portée plus ou moins ensuite par tous les réseaux, ne s’est pas développé comme le lien déterminant qu’elle devait être. Bien que cette revendication soit toujours portée par tous d’une façon ou d’une autre, les postulats et les formes d’action des différents réseaux sont dissemblables les uns des autres.
Nous devons repréciser les choses, sur le fond comme sur la question de l’organisation. C’est pourquoi nous formulons cette plate-forme de nos rendications actuelles, de façon encore plus marquée. Elle forme un appel àla discussion.
Pour une nouvelle forme de coordination entre les différents réseaux fédéraux, nous nous fonderons àl’avenir, en tant que Commissions fédérales-Chômeurs, sur cette plate-forme de revendications.

    • 1. Une nouvelle phase...
      Nous sommes àla fin de l’année 1998. Et malgré un changement de gouvernement après 16 longues années de domination du marché, de concurrence et de froideur sociale, malgré 9 mois de journées de mobilisation et d’action mensuelles, nous avons de mauvais pressentiments ! Nous craignons que les problèmes décisifs de notre société, le chômage, la destruction de la nature, la guerre, soient combattus avec les moyens qui les ont créés : augmentation de la concurrence internationale et croissance économique.
      Pendant plus de 20 ans, on a vu comment l’extension de l’économie de marché était capable de résoudre les problèmes de l’humanité.
      Dans ces 20 années, il y a plus qu’un doublement des richesses mondiales. L’économie a eu des phases de forte croissance, il y a eu des investissements. Depuis 10 ans, l’économie de marché règne sur le monde entier. Le « monde  » de 1998 est plus riche que jamais auparavant. Et ?

Les faits
L’écart entre le « Nord  » et le « Sud  » s’accroît
La croissance des profits est de plus en plus forte et concerne de moins en moins d’hommes. Dans le « Tiers-Monde  », c’est la population de parties entières de continents qui est considérée comme superflue pour la croissance. Dans le rapport des Nations Unies de 1996, il est écrit : « La croissance économique n’est pas une fin en soi pour ce qui est du développement humain. C’est un moyen. Elle doit élargir les possibilités de l’homme. On doit donc la juger en fonction de ses conséquences pour l’homme. Combien d’hommes voient leur revenu augmenter ? Est-ce que les inégalités de revenu entre les différents groupes de population baissent ? Que signifie la croissance pour les pauvres ?  ».
Une minorité riche au Nord utilise àl’excès les réserves limitées de matières premières de la planète et empoisonne par des déchets de production industrielle le sol, l’eau et l’air. Dans les pays industriels vivent seulement 23 % de la population mondiale, mais ils utilisent 82 % de l’énergie, 70 % du pétrole, possèdent 80 % des véhicules automobiles et sont àl’origine à75 % de l’effet de serre. 80 % des êtres humains en Amérique latine, 60 % en Asie, 50 % en Afrique vivent dans des régions écologiquement dévastées.
800 millions d’hommes souffrent de la faim, 500 millions souffrent de sous-alimentation chronique. Presque un tiers de la population mondiale (1,3 milliard) vit dans la pauvreté.
Les pays en voie de développement, malgré la croissance mondiale de ces 33 dernières années, n’ont pas vu leur revenu par habitant augmenter de plus de 1,5 %. Sans l’Inde, le chiffre annuel serait de 0,4 %.
86 % de la consommation privée dans le monde sont le fait des 20 % des hommes avec les revenus les plus élevés, les 20 % avec les revenus les plus bas se partagent 1,1 % de la consommation mondiale. Les 20 % des hommes aux revenus les plus élevés sur la terre consomment :
45 % de la viande et des poissons, les 20 % les plus pauvres seulement 5 %.
58 % de l’énergie, les plus pauvres 4 %.
84 % du papier, les plus pauvres 1,1 %.
Le patrimoine des trois personnes les plus riches du monde dépasse l’addition du produit intérieur brut des 48 pays les plus pauvres.
Le niveau de production et de consommation du Nord ne peut être généralisé. On ne peut pas produire marchandises et matériaux àl’infini. Encore plus de marchandises, encore plus de services, encore plus de consommation, c’est aujourd’hui le modèle minoritaire et destructeur des nations industrielles, pour lequel la vie de la majorité de la population mondiale est sacrifiée.
Pourquoi devrions-nous participer àça ?

Précarité et peur pour sa vie se développent aussi dans les nations industrialisées occidentales.
Plus de 100 millions de gens y vivent dans la pauvreté, il y a autant de sans-abris. 37 millions de personnes dans les pays de l’OCDE sont au chômage. Aux USA, plus de 19 % de la population vivent sous le seuil de pauvreté.

La destruction de la nature va de l’avant.
Alors que les problèmes sont connus depuis des décennies, il n’y a même pas un gel au niveau actuel de destruction, et encore moins une amélioration. En Europe, l’état des forêts s’est encore aggravé de façon spectaculaire cette dernière décennie : deux arbres sur trois sont aujourd’hui malades.

Si la faim, la guerre, le chômage, la pauvreté, la destruction de la nature et des ressources naturelles sont les problèmes de l’humanité, voilàles réponses apportées par l’économie de marché, la concurrence et la « croissance  » :
Encore plus de faim, de guerre, de chômage et de pauvreté,
Encore plus d’exclusions et de misère, de destruction de la nature
Pour toujours plus d’hommes.
Encore plus de richesses, de consommation de luxe et de produits superflus
Pour de moins en moins d’hommes.

Nous avons un mauvais pressentiment car àchaque minute l’économie de marché provoque des transformations et des destructions qu’on ne pourra plus réparer. Les soi-disant progrès des sciences et des techniques se transforment en production de masse sans aucun contrôle démocratique, tant qu’ils promettent des profits. On ne prend pas un moment de repos, un moment pour réfléchir.
Il n’y a aucun débat rationnel, raisonnable et démocratique sur les avantages et les inconvénients des développements technologiques, en particulier dans les domaines du nucléaire et de la recherche génétique. On continue àproduire àl’aveugle et en masse, sans prendre en compte la nature et les ressources. Les dernières règles sont diaobolisées comme de la « bureaucratie  » inutile et détruites. Seulement au moment où la camelote a atteint le marché et qu’on ne peut plus cacher les problèmes, on fait appel aux hommes : en tant que consommateurs. Tout d’un coup, on fait appel àleur sens des reponsabilités et on leur demande de changer leurs « habitudes de consommation  ».
Nous ne voyons pas le monde en rose parce que nous ne sommes pas des « chômeurs heureux  », même si nous trouvons qu’il est bon de ne pas seulement pleurnicher sur le chômage puisqu’il est aussi « une libération de l’emploi salarié  ». Mais nous tenons au principe que le bonheur ne peut être que s’il touche tous les hommes, dans le monde entier. C’est pourquoi nous combattons toutes les tentatives des néo-fascistes pour s’infiltrer dans le mouvement des chômeurs. Nous croyons que les hommes ontune raison et une éthique qui leur permet de ne pas considérer les systèmes économiques comme des lois de nature. Nous ne sommes pas heureux, mais nous avons l’espoir que les hommes pourront contrôler un jour ce qu’ils fabriquent de façon rationnelle et raisonnable.

Nous avons une tâche historique envers la société...
Ce n’est pas un hasard si tous les mouvements sociaux des exclus qui se développent dans le monde entier contre les exclusions, le chômage et la pauvreté se réfèrent souvent aux droits de l’homme. On a pu considérer l’industrialisation et le capitalisme comme une libération de l’humanité du joug des mythes de la nature, de l’église et de la noblesse, une concrétisation des Lumières pendant 2 siècles, un essai pour sortir l’humanité de l’âge mineur et pour lutter pour les droits de l’homme. Aujourd’hui, deux siècles plus tard, alors que le capitalisme a créé suffisamment de richesses pour assouvir largement tous les besoins des hommes, beaucoup d’hommes sont obligés d’en appeler àces droits pour pouvoir simplement survivre.
Il est difficile aujourd’hui de conserver ses convictions rationnelles. Entre l’économie de marché radicale et la moderne social-démocratie obsédée par la croissance, même la propagation de slogans comme « chômeurs heureux  », « le travail, c’est de la merde  », « on veut picoler  » et « on veut avoir droit àl’échec  » est admise àla cour. Elle s’intègre très bien àla société du spectacle et de la distraction, elle est vue comme une « comedy  » que personne ne prend au sérieux.
Les principes « ce que nous voulons, nous le voulons pour tous  », et « nous voulons une organisation et un partage justes du travail social global  », eux, ils seront bien obligés de les prendre au sérieux.

    • 2. Une nouvelle organisation du travail dans la société

La revendication d’une production et d’un partage des marchandises et des services organisés d’après les besoins des hommes serait une attaque révolutionnaire contre l’essence du capitalisme, où des multinationales et des entreprises produisent et font commerce de ce qui produit du profit, sans aucune considération pour la situation globale, sans aucun processus d’élaboration collective, démocratique et rationnelle par tous les hommes.
Les revendications que nous portons sont possibles, même àl’intérieur d’une économie de marché. Réduction radicale du temps de travail, redistribution du travail gratuit par le biais d’un revenu minimum-salaire minimum et modèles de temps partiel bien payés pour les hommes et les femmes. Ce seront des rapports de force politiques qui en décideront.

      • A. Nous n’avons pas besoin de « plus d’emploi  », mais d’une réduction radicale du temps de travail.
        Tous les partis nous disent, sous l’élan unitaire d’une industrie de masse disparue : pour combattre le chômage, on doit créer plus de travail. Comme s’il n’y avait pas assez de travail socialement nécessaire qui n’attend que d’être rémunéré. Avec le slogan « plus de travail / plus d’emplois  », ils entendent l’extension des emplois précaires et mal payés. Et pour créer plus d’emplois de ce genre, il faut plus de croissance.
        C’est ce que nous disent chefs d’entreprise et hommes politiques depuis la fin des années 70. Les profits d’aujourd’hui sont les investissements de demain et les emplois d’après-demain. Dans ces 20 dernières années, il y a eu des phases de croissance et de profits maximaux, le chômage de masse a continué de s’accroître et croît encore. Nous ne voulons pas nous laisser acheter comme des idiots. Même avec une croissance économique extraordinaire, il n’y aura plus, dans les conditions présentes, de plein emploi.
        La tendance mondiale est claire : de plus en plus de richesses privées sont produites grâce àde moins en moins d’emplois. Mais au lieu que tous profitent du hausse de revenu grâce àce moindre besoin de travail, la force de travail, moindre, travaille encore plus pour moins de revenu. Et de plus en plus ne peuvent plus obtenir un emploi rémunéré et ne reçoivent pas de revenu.
        Nous disons : nous n’avons pas besoin de plus d’emplois, de plus de travail. Nous avons besoins d’une réduction radicale du temps de travail. Tous ont besoin de moins de travail et d’une répartition juste du revenu.

Les faits
Selon des estimations prudentes, d’ici à2005, 1,6 millions d’emplois disparaîtront en Allemagne dans les secteurs agricoles, de la métallurgie, des transports, de la construction, du commerce et de l’administration.
De 1992 à1994, il y a eu chaque année 1,2 % d’emplois en moins. Depuis 1993, on assiste au contraire àun nouveau bond en avant de la productivité. De 1986 à1993, la hausse annuelle de la productivité fut de 2 %, mais depuis 93, elle est de 4,5 %, et dans un secteur clef pour l’industrie comme l’automobile, elle est de 7,5 %. Selon le IAB, « l’emploi dans les entreprises de 20 et plus salariés va décroître dans les 5 prochaines années en moyenne de 50000 postes par an. Les créations d’emploi dà»es àla hausse de la production seront plus que compensées par les hausses de productivité  ».
Le volume de travail de l’industrie allemande s’est réduit ces 20 dernières années à40,8 % de ce qu’il était. Selon le conseiller d’entreprises MacKinsey, 9 à33 millions d’emplois pourraient être supprimés si on utilisait àplein les avancées technologiques connues aujourd’hui.
Selon le rapport 1997 de la Banque Allemande : les profits des entreprises ouest-allemandes ont augmenté en 97 de 30 %, grâce au boom de l’exportation, moins d’impôts, et des frais de personnel stagnants. Les investissements n’ont pas suivi dans la même mesure.
Et avec ça, 7 millions de personnes n’ont pas de travail rémunéré, alors que les salariés àl’ouest travaillent en moyenne plus de 38 heures par semaine, àl’est plus de 41 heures par semaine.
Les salariés accomplissent chacun en moyenne 65 heures supplémentaires par an, en tout 1676 millions d’heures supplémentaires.

      • B. Nous n’avons pas besoin d’un « miracle de l’emploi  » dans les secteurs àbas salaires, mais d’un nouveau partage juste du travail global, y compris du travail gratuit, entre les hommes et les femmes.
        Nous chômeurs nous devons faire le ménage, nous occuper des enfants, faire les courses, nettoyer les chaussures et apporter les pizzas de ceux qui n’ont plus temps de le faire parce qu’ils travaillent trop. Beaucoup d’emplois, en particulier dans les services, sont créés uniquement parce qu’il n’y a pas de partage du travail dans d’autres domaines. Mais àune vie sociale avec des esclaves modernes et des fournisseurs d’esclaves, pour ce qui est des emplois comme des salaires, nous ne voulons pas participer.
        Nous n’avons aucun intérêt àavoir 2 ou 3 emplois différents pour ne même pas parvenir àavoir un revenu suffisant. Une classe grandissante de « working poor  » n’est un avantage que pour les chefs d’entreprise.
        Au lieu de partager le travail de façon juste afin que tout le travail socialement nécessaire comme l’entretien de la maison et l’éducation des enfants soient accomplis de façon égale par tous, certains préfèrent les heures supplémentaires, pendant que nous devons nettoyer leurs ordures pour avoir quelque chose àmanger. Celui qui a fait ce genre de jobs, ou qui doit accomplir le travail domestique et l’éducation des enfants, sait que ce système ne peut se justifier par le salaire à« celui qui le mérite  ». Si vous voulez qu’on parle de salaire et de mérite : les 2/3 du travail de notre société sont non rémunérés et majoritairement accomplis par des femmes. Ce ne sont pas les occupations de luxe qui servent àl’embellissement de la vie des riches : temps libre, vacances et régimes diététiques. Ce sont les travaux socialement nécessaires. Plus de capitalisme non plus sans élevage des enfants, le travail domestique et la reproduction de la force de travail. Ces ressources sont utilisées sans être rémunérées, au contraire, quand on élève des enfants, on a toutes les chances de s’appauvrir.

Le « miracle des emplois de service  » ne peut exister que parce qu’il y a encore et encore de nouveaux produits et services superflus qui sont lancés sur le marché. Nous seulement ça ne nous interesse pas parce que nous n’avons pas les moyens d’accéder àces « joies de la consommation  », mais surtout ça conduit àdes catastrophes sociales et écologiques globles.

      • C. Nous n’avons pas besoin de travail forcé, de contrôle social et de dispositifs disciplinaires, nous avons besoin d’un revenu garantissant l’existence et une part prise àla vie sociale, pas seulement financièrement.
        D’après la logique capitaliste de la croissance, les assurances sociales, des salaires et des charges trop élevées mettent en danger la croissance de l’emploi et le profil concurrenciel du capitalisme national allemand. On doit « inciter au travail  » en détruisant les garanties sociales. Les chômeurs et les allocataires de l’aide sociale, qui parce qu’ils sont femmes, trop jeunes, trop vieux, pas assez qualifiés ou pas qualifiés pour ce qu’on veut leur faire faire, sont considérés comme des « handicapés  », doivent retourner sur le premier marché du travail en passant par des mesures d’incitation àl’emploi, des travaux forcés et des sous-salaires. Et même si une minorité peut obtenir ainsi un emploi : c’est une façon de les sélectionner entre eux, de les monter contre les salariés en poste, consolés par le « Travail  ». Ils ne peuvent alors s’organiser en une nouvelle classe, victime de la situation économique. On les tient en tant qu’individus isolés « actifs  », pour qu’ils ne puissent pas s’activer pour faire bouger la société. Le « reste  » est abandonné àla misère, comme « superflu  ».
        Si c’est l’économie de marché et la concurrence internationale doivent décider des salaires et des revenus, alors quel doit être le revenu minimum ? Celui d’une ouvrière en Corée du Sud ? Nous ne voulons pas habiter, travailler et consommer ici àdes prix toujours plus élevés. Une spirale absurde vers le bas, et ce sont les pauvres qui en font les frais. Pourquoi la situation serait meilleure quand ce sont des gens en Asie qui sont au chômage et pas en Allemagne ?

La revendication du « droit au travail  »
Nous considérons que le slogan « droit au travail  » a peu d’intérêt. Dans les circonstances actuelles, elle devient même une revendication régressive.
Parce qu’elle ne prend absolument pas en compte les criconstances réelles du travail salarié. Le travail en soi n’est pas un but particulièrement interessant, et encore moins en tant que « droit  ». Quand on ajoute qu’il revendique du « travail utile, sensé  », ça ne change rien au caractère principiellement aliénant du travail capitaliste.
Parce qu’avec la rationalisation et le caractère de plus en plus technologique de la production, on a besoin de moins en moins de salariés en poste.
Parce qu’elle s’en remet àl’Etat. L’Etat est incapable d’obliger les employeurs àcréer des emplois, il n’est pas en mesure d’intégrer lui-même des chômeurs en masse dans le marché du travail. Vue d’hier et d’aujourd’hui, les plans pour l’emploi de l’Etat ont une double fonction : service du travail obligatoire et emplois aux salaires inférieurs aux normes des conventions collectives. Le chemin qui mène du droit àla force, du droit au travail au travail forcé, est, comme le montre l’expérience nationale-socialiste, un chemin très court.
C’est une erreur politique fatale de faire du travail salarié une philosophie de la vie, alors qu’il s’agit de conditions matérielles d’existence.
Nos craintes quant au slogan « droit au travail  » ont été confirmées par les faits. Les mesures de travail forcé prises par décision étatique et autoritaire se sont multipliées ces dernières années àl’encontre des chômeurs et des allocataires des minima sociaux.
Les droits fondamentaux inscrits dans l’article 12 de la constitution allemande perdent apparemment leur validité pour certaines parties de la population. Les allocations sociales doivent àêtre « achetées  » par du travail forcé. La démocratie s’efface devant le pouvoir de l’état autoritaire. Cette politique trouve une apogée négative dans la loi sur les allocations sociales pour les demandeurs d’asile : ils n’ont pas la permission d’avoir un emploi officiel, mais les allocations sociales sont pour eux inférieures au minimum d’existence.
Cette tendance se développe au niveau européen. L’européanisation des politiques sociales comporte deux aspects : la réduction des coà»ts des allocations sociales et le développement de mesures d’obligation. C’est dans cette direction que vont les politiques de l’emploi de pays aussi différents que l’Angleterre, le Danemark, la Suède, la Finlande, la plupart du temps sous la direction d’un gouvernement social-démocrate.

La réforme du Welfare
Nous regardons donc toutes les tentatives de réformes pour « remettre les chômeurs au travail  » avec la plus extrême suspicion. Ces réformes ne veulent pas remettre en cause l’organisation et le partage du travail. Ce ne sont pas les chômeurs qui sont malades, c’est le marché du travail. Quand les allocataires de l’aide sociale ne peuvent même plus avoir une part des richesses de la société et mener une vie décente, pourquoi voudrait-on travailler volontairement pour encore moins de revenu ? Comment pourraient travailler des mères quand on ne leur offre aucune place de crèche ou de garde des enfants ? Quand elles sont payées en moyenne 1/3 de moins que les autres ? Quand avec leur salaire de temps partiel elles ne peuvent même pas payer le loyer ? Tant que le travail n’est pas organisé avec des postes de travail bien rémunérés et intéressants et que les allocations sont incapables d’apporter un niveau de vie suffisant, le travail au noir est un acte d’auto-défense, socialement légitime.
Dans l’économie de marché, on ne créé des emplois que quand la force de travail humaine revient moins cher que des machines. « Plus d’emplois  » ne peut signifier alors qu’une attaque sur le niveau des salaires, pour tous les salariés en poste. « Plus d’emplois  » peut signifier donc aussi « plus de profits  » pour les grandes entreprises ; des profits qui ne sont pas investis, mais placés hors d’atteinte de l’impôt, vers la spéculation, vers encore plus de rationalisation, pour les grandes fortunes, pour consommer des produits de luxe...
Ainsi, après l’assurance chômage et l’assurance chômage dégressive (les deux formes d’allocation allemandes qui dépendent de l’emploi précédent), les minima sociaux sont devenus le dernier rempart contre l’extension du secteur des sous-salaires. « Eviter la trappe de pauvreté  », « salaire-combi  », « allocation de citoyen  », « impôt négatif  », tous ces modèles de réforme sont tous des attaques contre ce rempart.
Nous avons trois critères simples pour ce genre de modèle :

    • 1. Est-ce qu’il créé des emplois intéressants et bien payés ?
    • 2. Disposons-nous après de plus de revenu ou moins ?
    • 3. Conduisent-ils àplus ou moins de contrôle social de la part des administrations et àplus ou moins d’obligation d’accepter un emploi précaire sous-payé ?

Notre réponse : l’allocation d’existence
Nous exigeons 1 500 marks + loyer et chauffage, comme allocation d’existence, indépendante de la nationalité, du sexe et du statut familial, et sans obligation de travailler. Toute augmentation des minima sociaux ou amélioration dans leur attribution est un pas en avant vers ce but.

L’allocation d’existence est une frontière générale et solidaire contre l’appauvrissement, l’exclusion et la pauvreté dans l’emploi - un salaire minimum de fait, en dessous duquel personne ne peut être forcé de travailler.

L’allocation d’existence est l’aiguillon qui remet en question l’injustice :

    • injustice que revenu et emploi soient toujours couplés, alors qu’il y a de moins en moins de gens qui ont un emploi
    • injustice que le travail sans lequel une société ne peut exister, comme le travail domestique, l’éducation des enfants, la reproduction de la force de travail, ne soit pas rémunéré, bien qu’il représente un volume plus important que le travail salarié
    • injustice que la « valorisation  » d’un être humain doive passer exclusivement par l’emploi salarié, son revenu et sa consommation, alors que ce sont des domaines où règnent la concurrence, la brutalité et la violence, et non la solidarité, l’aide mutuelle et la tolérance.

La société n’est pas devenue plus pauvre, mais plus riche. Il ne s’agit pas aujourd’hui d’une crise de manque comme après la seconde guerre mondiale, avec peu àmanger, peu de logements,... C’est une crise de richesse : en 1990, le PIB de l’Allemagne était le double du PIB de 1970, la société est deux fois plus riche qu’il y a 20 ans. Et pourtant il n’y a jamais eu autant de chômeurs, d’allocataires des minima et de pauvres. Le partage des richesses depuis 20 ans se fait sur le modèle : les salariés paient de plus en plus d’impôts et créent de plus en plus de richesses pour les riches, qui paient de moins en moins d’impôts et de charges sociales, et qui licencient. La politique économique et sociale se fait depuis 20 ans au détriment des pauvres, des chômeurs.
Nous refusons la moindre baisse de nos revenus.

Les faits
Le salaire moyen aujourd’hui < celui des années 70
Part des entreprises àl’impôt sur le revenu
1960 = 35 %, 1994 = 16 %.
Part des salariés àl’impôt sur le revenu
1960 = 51, 8 %, 1997 = 70 %
Entre 93 et 97, revenu net des salariés = - 3 %
Profits nets des entreprises entre 93 et 97 = + 48 %

Nombreuses attaques et nombreuses coupes dans les allocations (...)
(1993, Loi sur les allocations sociales aux demandeurs d’asile + « Pacte de solidarité  » / 1994, Loi sur le soutien àl’emploi / 1996, Loi sur le système des minima sociaux / 1997, réformes de la loi pour l’emploi et réforme de la loi sur les allocations pour les demandeurs d’asile / janvier 1998, SGB III, mesures de contrôle des allocataires).

- 3/ Nous avons besoin d’une auto-organisation indépendante et radicale

Les syndicats en Allemagne ne sont apparemment pas capables de soutenir les chômeurs de façon active et solidaire sans chercher àles récupérer. Comme nous l’avons vu lors des manifs contre la destruction des garanties sociales, àl’occasion des marches européennes de 97, pendant les journées d’action mensuelles et avant tout àl’occasion du projet de manif centrale àBerlin le 12 septembre, les syndicats réagissent par des manÅ“uvres pour discréditer, diviser et exclure tout mouvement indépendant partant de la base. Un mouvement ou une organisation propre et indépendante des chômeurs signifie une critique concrète du travail syndical et ils ne veulent pas en entendre parler.
Nous ne comprenons pas pourquoi les salariés et leurs syndicats ne font pas de la revendication d’un revenu minimum social leur propre lutte, dans leur intérêt même pour obtenir un salaire minimum. Tant que le travail, le revenu et les formes d’allocation continueront àdiviser et àjouer les uns contre les autres les salariés, les précaires, les chômeurs et les allocataires des minima, tant qu’il ne sera pas accepté par une majorité de salariés que des gens qui travaillent hors emploi puissent recevoir autant d’argent que des gens qui travaillent dans l’emploi, il faudra bien nous organiser de façon autonome et indépendante.

Les journées d’action mensuelles ont montré qu’àl’encontre de toutes les idées reçues fondées sur des enquêtes pseudo-scientifiques, les chômeurs sont àfait capables de s’organiser et d’accomplir des actes de résistance. Plus de 50 000 chômeurs, sur plus de 200 villes, sont descendus dans la rue pendant des mois. Il est temps d’organiser cette protestation, dans la théorie et dans la pratique !
Les journées d’action nous ont aussi montré que nous étions minoritaires. C’était dur de voir les médias passer sous silence les actions les plus radicales et mettre en avant l’attitude de plainte et les poses de victimes des chômeurs. Les journaux bourgeois ont raison de nous accabler de sarcasmes, quand nous ne sommes pas capables de faire autre chose que de construire des « murs des lamentation  », de faire bouillir de la « soupe au chou  », de coudre des « tapis de vieilles chaussettes  » ou de propager des slogans comme « nous voulons du travail  » et « Kohl doit partir  ».
Nous ne devons pas nous faire d’illusions. Tant que la constellation au pouvoir des Entrepreneurs-politiciens-medias et tant que les syndicats ne changeront pas leur politique vis-à-vis des pauvres, nous n’avons aucune chance de faire valoir nos revendications sans parler fort, briser des règles de légalité dans nos actions, et déranger la « paix  » sociale.
Làoù des actions ont été organisées de façon conséquente, radicale, avec courage et détermination, elles étaient dà» àdes alliances des chômeurs avec des groupes antifascistes, anti-nucléaires, féministes, étudiants, syndicalistes critiques, lycéens. On a fait des occupations de plusieurs jours de bureaux du travail, on a pris d’assaut des bourses, occupé des banques et des concessionnaires automobiles, bloqué des rues, fait sortir des biens de supermarchés sans payer.
Làoù nous détruirons notre impuissance sociale, làoù l’entraide mutuelle deviendra réappropriation par en bas, làoù nous ferons l’expérience de notre puissance, de notre auto-détermination et de notre autonomie, nous deviendrons un mouvement social. Malgré la critique possible, les journées d’action mensuelles furent le signal dans cette direction le plus fort émis depuis des années.
Un mouvement social de chômeurs porte en lui la graine de la généralisation : par la question de l’organisation et du partage du travail et du revenu, apparaît la question de l’organisation de la société en général. Des mouvements sociaux se développent dans le monde entier.
Grâce aux récents événements et aux Marches Européennes, des contacts sont approfondis au niveau européen pour renforcer nos actions et nos revendications.
Les associations de chômeurs et d’allocataires des minima doivent se réorganiser au niveau fédéral. Elles doivent être indépendantes et autonomes, mais former une unité d’action avec d’autres. Peu après le changement de gouvernement, il y a déjàdes groupes dans les syndicats qui sont prêts àune pratique concrète d’opposition en liaison avec les associations de chômeurs. Une réussite de ce genre d’alliance sera déterminant pour la survie de ces deux forces.

Bad Bevensen, janvier 98.

- 4/ Coordonnées

  • KOS - Bielefeld ( le bureau de coordination des groupes de chômeurs syndiqués)
    Angelika Beier / Uwe Kantelhardt
    Marktstrasse 10, DGB-Haus , D-33602 Bielefeld
    Telephone : 0049 521 17 99 22, Fax : 0049 521 17 99 30
    Relais d’infos essentiel (“lettre d’info” envoyée à4000 exemplaires), fichier d’adresses consultable pour toute l’Allemagne ( es coordonnées de plus de 2000 groupes et collectifs), subventionné par certaines branches du DGB (IG Metall, öTV, HBV, GHK, IG Medien ...)
  • BAG - Erwerbslose (la coordination, au niveau fédéral, des associations indépendantes de chômeurs et de précaires)
    c/o FALZ (Centre des chômeurs de Francfort), Solmstr. 1a, D - 60329 Frankfurt.
    Tel : 00 49 69 700425, Fax : 00 49 69 704812
    ou c/o ALSO ( Auto-défense des chômeurs de Oldenburg)
    Kaiserstr.19, D-26122 Oldenburg
    Tel : 00 49 441 16313
    Fax : 00 49 441 16394
    mail
    Une des plus anciennes associations de chômeurs et toujours une des plus actives (occupations, transports gratuits,...etc). Fait paraître un bon journal trimestriel, SIESTA, et le journal fédéral et mensuel des associations, QUER.
  • ALV ( Union des chômeurs d’Allemagne )
    Klaus Grehn (président de l’ALV, député PDS au Bundestag)
    Hausburgstr. 29, D - 10249 Berlin
    Tel : 00 49 30 42 22 053, Fax : 00 49 30 42 64 065
    Essentiellement présente dans les annciennes régions de RDA, beaucoup plus centralisée que la précédente
  • BAG - SHI ( coordination fédérale des allocataires de l’aide sociale)
    Dorothee Fetzer
    Moselstrasse 25, D- 60329 Frankfurt / Main
    Telephone : 00 49 69 25 00 30, Fax : 00 49 69 23 55 84

[1Deutsch Mark.


Documents joints

Chômage en Allemagne
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