Un rapport pour un report...
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La création de cette commission du plan était déjà une façon de différer l’ouverture du droit au revenu aux jeunes. Fidèle à l’impulsion initiale vers l’enlisement, le texte ne fait que prolonger la manÅ“uvre dilatoire en proposant de reporter à plus tard la création d’un droit au revenu pour les 16/25 ans. C’est la technique absurde du ricochet qui finit dans l’abîme. Nous sommes pourtant nombreux à souligner l’urgence de la situation. Au trou béant du droit social que révèle la situation faite aux jeunes et aux familles vient répondre un texte qui la relativise afin de proposer de misérables rustines. On se félicite de la solidarité des familles avec les jeunes pour l’utiliser, pour justifier encore le familialisme. Dans le même temps, sous couvert d’autonomie, c’est l’individualisme plutôt que l’individualisation des droits qui est prôné. Les préconisations perpétuent l’infantilisation des 16/25 ans qui, n’ayant aucun droits sociaux, exclus du RMI comme de l’allocation d’insertion, n’obtenant que rarement l’ouverture de droits à l’indemnisation chômage en raison de la précarité des emplois qu’ils/elles occupent, devront continuer à affluer dans les rangs toujours plus fournis des salariés pauvres. Ainsi, au vu du rapport final, la concertation mise place apparaît comme un simple alibi visant à servir l’objectif gouvernemental du plein emploi précaire. Le temps des réformes serait révolu...
D’innombrables jeunes, dont 400 000 chômeurs non indemnisés, qui sont parmi les plus défavorisées et discriminées, ont une fois de plus été mis sur liste d’attente. Cela concerne au premier chef ceux d’origine étrangère, les jeunes femmes, les jeunes des DOM à qui l’on offre pour seule perspective d’aller se former loin de chez eux. S’agit-il de désertifier les îles pour en faire des paradis fiscaux ? Clamer que l’offre d’emploi et de formation y sont faibles c’est refuser les créations de postes dans l’éducation, les services publics, la création de crèches, de lieux d’accueil pour personnes âgées, refuser la construction de logements décents, d’entretiens du patrimoine naturel, d’un développement agricole autocentré.
Le rapport fait peu cas de la participation des jeunes au sein du système scolaire, où les droits fondamentaux d’expression et d’action sont niés, où la compétition et la discrimination sont entretenues. La participation des jeunes aux instances qui les concernent reste symbolique. L’autonomie telle qu’elle est présentée, vise simplement à rendre individuellement responsables de leur sort les entrants dans l’emploi précaire pour mieux les culpabiliser de leurs échecs ou les dissuader de faire des choix qui ne correspondraient pas à ce qu’on leur assigne. La définition de l’autonomie implique ici deux piliers, la famille et l’Etat, et aurait pour clé l’emploi, sans qu’aucune restriction ne soient posée face à la volonté du MÉDEF de régir l’emploi à sa convenance. Le rapport s’inscrit en effet dans la perspective d’une politique de baisse des salaires que nous refusons. Les jeunes sont les premiers à en faire les frais, eux qui comme les chômeurs subissent salaires d’embauche dérisoires au prorata du SMIC mensuel, précarité constante et stages sous payés.
La vision défendue par le texte définit l’autonomie comme un processus évolutif pour mieux repousser à 5 ans toute modification substantielle et affirme, dans le même temps, pour mieux récuser la nécessité d’un droit à allocation, que la situation future des jeunes sera le plein emploi, grâce aux départs massifs en retraite. Ces arguments tentent de convaincre qu’il faut tout mettre en Å“uvre pour aider des entreprises, pourtant déjà largement assistées, à maintenir leurs profits et accepter sans broncher les restrictions budgétaires en matière d’éducation, de santé, qui, sous prétexte d’objectifs européens, réduisent les droits à des peaux de chagrin. Loin d’éclairer l’avenir en proposant une transformation du présent, ce rapport n’est finalement qu’un appel aux sacrifices à destination des entrants dans le salariat. En fait d’autonomie et de nouveau « contrat social  » il s’agit de faire accepter la précarisation de l’emploi, la flexibilité, la mobilité imposée, des devoirs qui n’impliquent nullement ici le droit à un emploi décent, choisi et non sous-payé, pas plus qu’ils n’impliquent le respect du texte constitutionnel qui stipule que « la société doit à chacun de ses membres des moyens convenables d’existence  ». Au contraire les seules orientations structurantes du rapport sont la stagnation des salaires, l’allègement des charges pour les entreprises, l’allègement du coà »t du travail. L’action de l’État se bornerait dans cette optique à restructurer au profit des entreprises.
C’est dans ce contexte que doit être compris l’intérêt porté à la « formation tout au long de la vie  ». L’appellation est bien commode pour faire travailler des salariés sans leur reconnaître le statut de travailleurs sur le marché de l’emploi, à l’image de ce que sont déjà parmi les jeunes les apprentis. Très commode pour dissimuler le chômage en plaçant des personnes en tant que stagiaires sans les droits des salariés, à bas prix pour les entreprises puisque l’Etat, (national, régional, départemental) prend en charge une bonne part du coà »t de « formations  » durant lesquelles les travailleurs mis à la disposition des entreprises n’auront même pas accès au statut d’intérimaire. Le rapport ne fait que confirmer une politique où l’argent public est distillé au compte-goutte quand il s’agit d’assurer des droits, en particulier aux plus jeunes, et à robinet grand ouvert pour les entreprises sans que celles-ci aient de comptes à rendre. Ce n’est pas une fatalité, ce n’est que le destin que croit devoir tracer ce triste rapport.
Tout bien considéré, si l’on s’en tenait à ce type de propositions, et malgré quelques dispositions cosmétiques, les mesures répressives à l’encontre des jeunes et la criminalisation des pauvres que contient déjà la loi de sécurité quotidienne définiraient davantage la politique que l’exigence, oh combien bafouée !, d’égalité.
AC !, le 12 avril 2002.