Forum social mondial, Mumbaï 2004 : appel de l’assemblée des mouvements sociaux

Inde
mercredi 28 janvier 2004
par  le réseau d’AC !

Nous, mouvements sociaux réunis en assemblée àMumbai, en Inde, partageons les luttes du peuple indien, de même que celles des peuples asiatiques, et réitérons notre opposition au système néolibéral qui engendre crises économiques, sociales, écologiques et conduit àla
guerre. Nos mobilisations contre les guerres et les profondes injustices sociales et économiques ont permis de démasquer le néolibéralisme.

Nous nous sommes réunis ici pour organiser la résistance et lutter pour la construction d’alternatives au capitalisme. Nos résistances, nées au Chiapas, àSeattle et àGênes, nous ont conduits àl’immense mobilisation mondiale contre la guerre en Irak, le 15 février 2003, qui disqualifia la stratégie de guerre globale et permanente du gouvernement des Etats-Unis et de ses alliés, et àla victoire contre l’Organisation mondiale du Commerce àCancun.

L’occupation de l’Irak a révélé au monde entier le lien entre le militarisme et la domination économique des entreprises transnationales. Elle a en outre confirmé les raisons qui ont motivé notre détermination ànous y opposer.

En tant que mouvements sociaux, nous réaffirmons notre engagement àlutter contre la globalisation néolibérale, l’impérialisme, la guerre, le racisme, les castes, l’impérialisme culturel, la pauvreté, le patriarcat et toutes les formes de discrimination et d’exclusion
économique, sociale, politique, ethnique, de genre ou sexuelle, ainsi que notre volonté de voir respecter les orientations sexuelles et l’identité de genre de chacun(e). Nous nous opposons àla discrimination
des personnes dotées de capacités différentes et des personnes souffrant de maladies incurables, en particulier celles atteintes par le virus HIV
et le SIDA.

Nous luttons pour la justice sociale, le droit aux ressources naturelles (la terre, l’eau, les semences), les droits humains et citoyens, la démocratie participative, le droit des travailleurs et des travailleuses tels qu’énoncés par les traités internationaux, les droits des femmes et le droit des peuples àl’autodétermination. Nous sommes partisans de la paix et de la coopération internationale et défendons des modèles sociaux soutenables, capables de garantir les droits élémentaires et les biens et services publics aux personnes. Nous rejetons la violence sociale et patriarcale faite aux femmes.

- Nous appelons ànous mobiliser le 8 mars prochain, journée internationale pour les droits des femmes.

Nous luttons contre toute forme de terrorisme, y compris le terrorisme d’Etat, de même que nous nous opposons àl’utilisation de la prétendue « lutte contre le terrorisme  » pour criminaliser les mouvements populaires
et les militants sociaux. Aux quatre coins de la planète, les dites lois contre le terrorisme restreignent les droits civils et les libertés démocratiques.

Nous faisons nôtre la lutte des paysans et des paysannes, des travailleurs et des travailleuses, des mouvements populaires urbains et de toute personne menacée de perdre son foyer, son travail, sa terre et
ses droits. Partout se multiplient les luttes destinées àempêcher les privatisations, àinverser la logique qui les promeut, et àprotéger les biens communs et leur caractère public - telles les luttes menées en
Europe pour défendre les retraites et la sécurité sociale. La victoire du peuple bolivien et de sa gigantesque mobilisation pour défendre ses ressources naturelles, la démocratie et sa souveraineté témoigne de la force et de la puissance de nos mouvements, alors que simultanément se développent les luttes paysannes contre les transnationales et les politiques agricoles néolibérales, avec pour exigences la souveraineté
alimentaire et une réforme agraire démocratique.

- Nous appelons àl’unité avec les paysans et paysannes lors de la mobilisation mondiale du 17 avril, journée internationale de lutte paysanne.

Nous nous identifions aux luttes des mouvements et organisations populaires indiens, et condamnons avec eux les forces politiques et les idéologies qui encouragent la violence, le sectarisme, l’exclusion, et le nationalisme en s’appuyant sur la religion et l’ethnicité. Nous condamnons les menaces, arrestations, tortures et assassinats de militants sociaux qui organisent les communautés dans leur lutte pour la
justice globale, et nous dénonçons la discrimination fondée sur les castes, les classes, la religion, le genre, l’orientation sexuelle et l’identité de genre. Nous condamnons la perpétuation de la violence et de l’oppression contre les femmes par le biais de modèles et de pratiques culturelles, religieuses et de traditions discriminatoires.

Nous soutenons les efforts des mouvements et organisations populaires qui encouragent, en Inde et en Asie, la lutte des peuples pour la justice, l’égalité et les droits humains. En particulier les luttes des
Dalits, des Adivasis et des secteurs les plus opprimés et réprimés de ces sociétés. La politique néolibérale du gouvernement indien accentue la marginalisation et l’oppression sociale dont le peuple des Dalits a
souffert au cours de l’Histoire et qu’il subit encore aujourd’hui.

- Pour toutes ces raisons, nous soutenons les luttes de tous les exclus de la planète et appelons ànous joindre àl’appel qui sera prochainement lancé par les Dalits en faveur d’une journée de mobilisation pour l’inclusion sociale.

Le capitalisme, en réponse àla crise de légitimité qu’il connaît, utilise la force et la guerre pour maintenir un ordre économique impopulaire. Nous exigeons des gouvernements qu’ils mettent fin au militarisme, àla guerre, et qu’ils mettent un terme aux dépenses
militaires. Nous exigeons également la fermeture des bases militaires nord-américaines, où qu’elles se trouvent, parce qu’elles constituent une menace pour l’humanité et la planète. Nous devons suivre l’exemple
de la lutte du peuple portoricain, qui a obtenu la fermeture de la base militaire états-unienne de Vieques. L’opposition àla guerre globale reste notre terrain commun de mobilisation, partout dans le monde.

- Nous appelons les citoyens et citoyennes du monde àse mobiliser le 20 mars prochain, pour une journée internationale d’opposition àla guerre et àl’occupation de l’Irak imposée par les gouvernements des
Etats-Unis, de Grande-Bretagne et leurs alliés.

Les mouvements contre la guerre élaboreront leurs propres mots d’ordre et tactiques afin d’assurer la plus large participation aux mobilisations. Nous exigeons le retrait immédiat des troupes d’occupation de l’Irak et soutenons le peuple irakien dans ses droit àl’autodétermination, àla souveraineté et aux réparations pour les dommages causés par l’embargo et la guerre.

La « lutte contre le terrorisme  » ne sert pas seulement de prétexte pour maintenir l’état de guerre et l’occupation de l’Irak et de l’Afghanistan ; elle est également utilisée pour menacer et agresser les peuples.
Alors que parallèlement, le blocus criminel imposé Cuba est maintenu, tout comme la stratégie de déstabilisation du Venezuela.

- Nous appelons àsoutenir avec force la mobilisation en faveur du peuple palestinien, et tout spécialement le 30 mars, journée de la Terre en Palestine, pour revendiquer le droit des réfugiés au retour et manifester notre opposition àla construction du mur.

Nous dénonçons l’impérialisme qui suscite àson profit les conflits religieux, ethniques, raciaux et tribaux, excitant la haine, la violence, et accentuant la souffrance des peuples - comme ce fut le cas pour plus de 80 % des 38 conflits armés qui ont ensanglanté la planète en 2003, touchant principalement les peuples d’Asie et d’Afrique.

Nous dénonçons l’utilisation coercitive, par les gouvernements, les transnationales et les institutions financières internationales, de l’endettement insoutenable des pays pauvres. Nous répudions cette dette illégitime et exigeons son annulation inconditionnelle, ainsi que la réparation des dommages économiques, sociaux et écologiques, qui constitue une condition préalable àla pleine satisfaction des droits
des peuples du Tiers Monde. A cet égard, nous soutenons tout particulièrement la lutte menée par les mouvements sociaux sur le continent africain.

Nous opposons notre voix aux réunions du G8, du FMI et de la Banque mondiale, principaux responsables de la spoliation des peuples.

Nous rejetons l’imposition d’accords régionaux ou bilatéraux tels que l’ALCA, le NAFTA, le CAFTA, l’AGOA, le NEPAD, l’Euro-Med, l’AFTA et l’ASEAN.

Nous sommes des millions àmener la lutte et àunir nos mobilisations contre un ennemi commun : l’OMC. Les peuples indigènes luttent contre tout brevetage du vivant et toute atteinte àla biodiversité, àl’eau, à
la terre, àl’environnement, àl’éducation et àla santé. Nous sommes des millions ànous opposer àla privatisation des services publics et àpartager nos luttes avec les jeunes et les étudiants qui revendiquent
leur droit àl’enseignement public et àun emploi digne leur assurant un avenir sans pauvreté ni violence.

Nous appelons chacune et chacun àse mobiliser pour l’eau, droit fondamental et source de vie àécarter de toute privatisation. Nous appelons en outre àreprendre le contrôle des biens communs et des ressources naturelles qui ont été livrés aux mains des intérêts privés et transnationaux.

Lors de la bataille victorieuse de Cancun, la mort du paysan Lee a incarné la souffrance de millions d’autres paysans et celle des secteurs populaires exclus par le « libre marché.  » Son immolation symbolise la détermination qui nous anime et que nous opposerons àtoute tentative de ressusciter l’OMC.

L’agriculture, l’alimentation, la santé, l’eau, l’éducation, les ressources naturelles et les biens communs hors de l’OMC !

C’est avec la même détermination que nous appelons tous les mouvements sociaux du monde àse mobiliser contre la prochaine conférence ministérielle de l’OMC, qu’elle se tienne àHong Kong ou ailleurs, et àunir nos efforts dans la lutte contre les privatisations, pour défendre
les biens communs, l’environnement, l’agriculture, l’eau, la santé, les services et l’éducation.

Pour toutes ces raisons, nous réaffirmons notre ferme volonté de renforcer le réseau des mouvements sociaux, afin de renforcer notre capacité de lutte.

Globalisons la lutte ! Globalisons l’espérance !

Déclaration adoptée par les mouvements sociaux réunis lors du quatrième Forum social mondial, àMumbai, en Inde.

- Tout mouvement qui le souhaite peuvent signer ce texte et àrejoindre le réseau international des mouvements sociaux.
- Les signatures sont àenvoyer au mailto:movsoc@uol.com.brsecrétariat des mouvements sociaux.

Source.