« Chômage, des secrets bien gardés  »

de Fabienne Brutus, éditeur Jean-Claude Gawsewitch
samedi 6 mai 2006

Le livre est sous-titré : « La vérité sur l’ANPE  » et cette vérité-làn’est pas un argument de marketing.

Dans un livre passionnant de bout en bout, Fabienne Brutus, agente àl’ANPE, révèle les redoutables et viles méthodes qui président àla mutation de l’ANPE en monstrueux mécanisme àbroyer les individus.

A lire absolument par toutes les personnes qui s’intéressent de près ou de loin au chômage et aux chômeurs, par les journalistes qui souhaitent arrêter de divulguer la propagande gouvernementale, par les chômeurs et précaires évidemment qui y puiseront une raison de plus de résister et la connaissance de l’adversaire.

Seule critique, l’ouvrage est un peu cher pour une bourse de précaire (18,90 euros) ! Faites le acheter par la bibliothèque.

Extrait choisi totalement au hasard (c’est vrai !)

Page 78 :

« 5. Ils rêvent d’y être : les précaires

Ils étaient CES, les voilàCAE (10). L’agence ne montre pas l’exemple : ces contrats sont censés servir de tremplin vers autre chose. Un CDI, un CDD àtemps plein, bref un contrat plus intéressant que l’ersatz du contrat aidé. Or, même au coeur du système, on forme rarement les personnes en CDD. Leur chance de retour àl’emploi est juste un peu améliorée par leur présence quotidienne sur les lieux, la fréquentation des conseillers, en première ligne pour connaître la création de postes. Ces précaires utilisent leurs compétences, sont rendus opérationnels le plus vite possible. Les contrats sont supposés soutenir des gens éloignés de l’emploi, en difficulté d’insertion. Or, l’ANPE recrute dès que possible des personnes certes éligibles, mais immédiatement efficaces et parfaitement malléables. L’accueil, poste sans doute le plus difficile àoccuper en raison de l’agressivité en jeu, est parfois assuré par des stagiaires non rémunérés, préparant un bac professionnel ! Les conseillers, conscients de la charge de travail de ces jeunes et de l’injustice de la situation, se cotisent parfois pour offrir un cadeau . . . dans l’intention de pallier par eux-mêmes les manques de l’établissement. Cette tendance àmodérer les insuffisances se manifeste dans d’autres cas : les collègues non remplacés, par exemple. Plutôt que de laisser chômeurs et employeurs dans l’embarras, les conseillers se plieront en quatre pour assurer le service, quitte ày laisser leur santé.

Parmi ces salariés, les « tempos  » (pour contrats temporaires) sont renouvelés d’un mois sur l’autre. Ils peuvent travailler jusqu’àhuit mois d’affilée, mais ne connaissent leur sort qu’en fin de mois. Les directions d’agence sont abondées en « mois de tempo  » au coup par coup. « Bonne nouvelle, Mathilde, vous serez parmi nous le mois prochain  », annoncé àJ-2. Voilàpour ce qui est de montrer l’exemple.

En 2005, des conseillers ont été recrutés pour des CDD de deux ans. Bien qu’ils aient suivi une formation écourtée par rapport àla formation officielle, ils assurent rigoureusement les mêmes tâches que les conseillers lambda. Initiation au démantèlement ? Qu’adviendra-t-il d’eux ensuite ? En tout cas, ils se seront tenus àcarreau pendant deux ans. Ni syndicat, ni états d’âme, de vaillants petits soldats. Presque des « Contrats nouvelle embauche  ». Quand un conseiller est lui-même précaire, comment peut-il être crédible ? Les prestataires gardent le sens de l’humour et s’appellent entre eux les « presque-à-terre  ». Grâce au Contrat d’avenir, les emplois-jeunes qui arrivaient àterme ont pu être remplacés. Une bonne partie d’entre eux, suffisamment diplômés, avaient déjàtrouvé àintégrer l’Agence en passant des concours réservés ou les concours externes. Une question demeure. Les Contrats d’avenir étant destinés àun public moins qualifié, qu’en fera-t-on àl’issue des deux ans ? Il a été question d’intégration par le biais de l’apprentissage. À quand un CAP ou un bac de conseiller àl’ emploi ?

En cumulant les CES/CAE, les CDD, les temporaires, l’ANPE emploie 15 % de son personnel en contrat précaire. En 2004, sur 23 220 agents : I 417 CDD, I 304 CES ( comptés àpart : c’est une manie ! pourtant ils sont bien sà»r en CDD), 753 agents temporaires, soit 3 474 précaires en tout.

Quand conseillers et prestataires sont en CDD, ils proposent àleurs accompagnés des offres d’emplois qui les intéressent. Ils ont parfois postulé eux-mêmes et aimeraient tant les garder pour eux !

« Vous ne savez pas ce que c’est, d’être au chômage, vous !
- Si, si. . . Ça m’arrive régulièrement.
 »

10. Contrat emploi solidarité. Contrat d’accompagnement dans l’emploi.  »


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