Mai 68 c’était avant-hier

jeudi 24 avril 2008
par  AC ! Gironde

Le quarantième anniversaire de ce grand mouvement de masse de la société française pourrait bien être bientôt fêté comme il se doit, c’est-à-dire par un autre mouvement de masse. Est-ce que la nouvelle secousse qui s’annonce sera une réplique du premier ? Pour le savoir, bien que l’on dise que "l’histoire ne repasse pas les mêmes plats àchaque fois", il faut évidemment revisiter cet épisode pas si lointain des luttes de classes en France. Oui, je sais, les jeunes générations prennent les soixante-huitards pour des anciens combattants pas même méritants, mais en ce qui me concerne on ne pourra guère me reprocher d’être rentré dans le rang pour "aller àla soupe" : après quasiment trente ans de chômage et de précarité professionnelle, je ne pense pas avoir été jusqu’àprésent un "cadre au service du capital", et je puis m’enorgueillir (connement dirons certains de mes camarades journalistes) d’avoir refuser ce rôle idéologique et social.

Donc, pour ce qui est de ma petite expérience, Mai 68 a vraiment dessillé mon regard sur la politique, sur l’appréhension et la compréhension de la chose politique (Respublica). En entrant dans l’action politique, comme étudiant gréviste occupant sa fac, comme manifestant confronté aux gardes mobiles et aux CRS de l’Etat policier, ou encore en parlant simplement comme jeune avec les autres, avec les adultes vieux et moins vieux dans la rue, dans les transports en commun ou en auto-stop, c’est le citoyen que je suis qui a été profondément marqué par ce mouvement, par ce soudain bouleversement, par cette révolution (ou, au moins, par l’émergence du désir partagé de révolution).

C’est vrai, le mouvement étudiant de mai 68 a bien servi de détonateur àla plus grande grève générale du 20ème siècle. Les slogans sur « l’unité étudiants/travailleurs  » ont couvert les murs des facultés ; les banderoles proclamant « Ã©tudiants, ouvriers, même combat » ont scandé les manifestations du printemps 68... En même temps, ce mouvement a touché toutes les sphères de la société.

La question qu’il faut se poser, dans la perspective d’une issue politique victorieuse àun futur mouvement des masses, c’est : Qu’est-ce qui a foiré en 1968 et qu’il ne faut évidemment pas reproduire ? Pour cela, il me faut rappeler rapidement ce qu’on a appelé dans les médias dominants, non sans euphémisme, "les événements de Mai 68" : Vendredi 10 mai : Nuit des barricades. Mardi 14 mai : Occupation de l’usine Sud-Aviation de Bouguenais (Loire-Atlantique) par ses ouvriers. Mardi 21 mai : 7 à10 millions de grévistes, le pays est paralysé. Vendredi 24 mai : Le général de Gaulle annonce la tenue d’un référendum sur la décentralisation et la participation ; affrontements àParis et dans plusieurs villes de France, dont Bordeaux ; mort d’un étudiant àParis et d’un commissaire de police àLyon. Samedi 25 et dimanche 26 mai : Négociations de Grenelle entre syndicats et patronat, sous la houlette de Pompidou. 
Mardi 28 mai : François Mitterrand appelle àvoter « non  » au référendum et avance le nom de Pierre Mendès-France pour former un gouvernement provisoire, tout en se déclarant candidat àun éventuel scrutin présidentiel. Mercredi 29 mai : De Gaulle annule le Conseil des ministres et disparaît pendant plusieurs heures : il part consulter le général Massu, chef des forces françaises en Allemagne stationnées àBaden-Baden. Le Parti communiste défile dans Paris au cri de « gouvernement populaire  ». Jeudi 30 mai : Retour de De Gaulle qui annonce la dissolution de l’Assemblée nationale. Manifestation de soutien au Général sur les Champs-Elysées. 23 et 30 juin : Raz-de-marée gaulliste aux élections législatives. La réponse àla question se trouve bien dans les 3 jours qui ont suivi les "accords de Grenelle" : les directions du PCF et de la CGT, organisations hégémoniques àgauche, se sont mises àcritiquer ouvertement, àce moment-là, les « Ã©tudiants  » petit-bourgeois qui avaient l’audace de « donner des leçons àla classe ouvrière  » ( provoquant ainsi un réflexe de méfiance sociale), et refusaient donc de se situer sur le terrain du débat politique avec d’autres courants du mouvement ouvrier, notamment d’extrême-gauche, qui étaient effectivement plus implantés - mais pas exclusivement- dans la jeunesse estudiantine (500 000 en 1968). Elles appelèrent, d’un autre côté, àun hypothétique « gouvernement populaire » pour àla fois montrer sa force et contenir ses troupes travaillées, elles-aussi, par le désir de révolution. Quant àMitterrand, il a bien capté qu’il fallait lancer un appel en direction du peuple pour contrer "le vieux général", mais il reste sur le terrain de De Gaulle en acceptant de l’affronter par référendum, " oubliant" - comme il le fit par la suite lorsqu’il advint au pouvoir - toutes les critiques qu’il portait jusqu’alors àla constitution gaulliste taillée pour l’exercice du pouvoir personnel. Il aurait fallu que les forces populaires se mettent d’accord et devancent leurs adversaires en proposant l’élection d’une assemblée constituante qui mette fin àla Vème République. Mais, que voulez-vous, Jacques Duclos n’était pas Charles Tillon et Mitterrand n’était pas Rosa Luxemburg (bien au contraire !).*

La véritable transformation sociale des rapports sociaux de production (et de reproduction) relève àmon sens d’un lent et long processus continu. Reste qu’àun moment donné, il faut sortir d’une attitude protestataire et accepter de mettre les mains dans le moteur institutionnel : la participation des forces de gauche et d’extrême-gauche àun gouvernement populaire majoritaire issu d’une assemblée constituante élue au suffrage universel proportionnel direct àla faveur d’un mouvement de masse de type Mai 68 serait un bon début de changement révolutionnaire.

Jau Martinach

(écoutez AC TONNE, l’émission d’AC ! Gironde sur La Clé des Ondes 90.10Mhz, tous les mercredis à17h)


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