Chaos de la société civile
par
Aso Jabbar est membre du Parti Communiste des Travailleurs d’Irak (WCPI), représentant du Syndicat des Chômeurs d’Irak (UUI) et coordinateur en Suisse de l’Organisation pour la Liberté des Femmes d’Irak (OWFI). Il fait partie depuis plus de 2 ans de la coalition nationale suisse contre la guerre. Il est rédacteur en chef de plusieurs publications de ces
organisations en anglais et en allemand.
Peux-tu nous parler de la situation des travailleurs irakiens et du mouvement des chômeurs ?
La situation politique et sociale en Irak est une immense catastrophe humaine et sociale. Les travailleurs sont confrontés à un chômage massif, estimé entre 60 et 70 %, qui rend la plupart des actifs incapables de
subvenir aux besoins de leurs familles. Ils n’ont pas de système d’indemnités chômage ni d’autre type de subsistance. Les salaires pour la majorité des travailleurs sont de 60 $ par mois, ce qui est nettement
insuffisant. Les boni et subsides pour le logement et la nourriture qui complétaient autrefois les salaires en argent liquide ont été supprimés. Plus de régulation du temps de travail et des conditions de santé et de
sécurité, d’indemnités pour heures supplémentaires, contre le travail des enfants.
Le plan annoncé par l’Autorité Provisoire de la Coalition (CPA), dirigée par les Etats-Unis de privatiser des centaines d’entreprises d’Etat supprimera
encore d’autres emplois. De plus, les efforts des Irakiens pour s’organiser afin d’améliorer leurs conditions ont été réprimés. Les leaders de l’Union
des chômeurs UUI ont été arrêtés plusieurs fois et relaxés. La CPA impose une loi du temps de Saddam Hussein qui interdit l’organisation de syndicats
dans le secteur public et les entreprises propriété de l’Etat, qui emploient 70 % des actifs irakiens.
L’Union des chômeurs a grandit rapidement et est devenue une organisation de masse connue en Irak, en particulier après les 50 jours de grèves et de manifestations devant le siège de l’administration US à Bagdad pour demander
le droit au travail et la liberté syndicale.
Nous avons besoin du soutien et de la solidarité des défenseurs de la liberté, des travailleurs, des syndicats et des partis politiques étrangers pour notre mouvement en Irak, tant sur le plan politique que financier.
Le gouvernement fantoche irakien a amendé le code de la famille et l’a remplacé par la charia islamique. Comment a réagi le peuple en Irak, en particulier les femmes, et comment comptez-vous résister aux islamistes ?
Le 29 décembre 2003, le Conseil de gouvernement a adopté la résolution n° 137 pour abolir l’actuelle code irakien de la famille en vigueur depuis 1959 et introduire la loi islamique (la charia).
Nous estimons que cette résolution liberticide, misogyne et rétrograde va repousser la société irakienne à l’âge de la pierre. Elle va refuser aux femmes les droits les plus élémentaires gagnés au cours des décennies de
luttes. Polygamie, mariage des mineures, mariage provisoire de jouissance (mut’ah), voile obligatoire (hijab), lapidation à mort des femmes adultères,
jets d’acide, fouettement pour désobéissance aux lois islamiques, violence conjugale, ségrégation dans les lieux publics, tout cela deviendra légal. On refusera aux femmes le droit de quitter leur maison sans permission de leur mari, de voyager sans chaperon, de recevoir une éducation après le mariage, de demander le divorce, de choisir leur partenaire sans consentement
familial et d’obtenir la garde des enfants.
Le code actuel de la famille, amendé par le régime baasiste, est lui-même une loi réactionnaire contre les femmes basée sur la charia. L’organisation pour la liberté des femmes en Irak (OWFI) lance une campagne internationale pour abroger cette résolution 137. Nous appelons tous les individus et les organisations progressistes de soutenir cette campagne et tous les
défenseurs de la liberté du monde entier à signer notre pétition [1].
Le 29 janvier 2004, le Ministère de la Justice a publié une déclaration qui annonçait l’arrêt de la mise en oeuvre de la résolution 137, suite à une protestation massive. Ces actions ont prouvé que la société irakienne n’acceptera pas la charia. L’OWFI a publié des propositions de lois civiles et progressistes et d’un code de statut de la personne sur la base de la
liberté des femmes et d’une égalité totale et inconditionnelle entre hommes et femmes. Nous travaillons à récolter à l’étranger un soutien et de la
solidarité envers nos propositions, pour construire des actions larges de protestation sous forme organisée jusqu’à l’acceptation de nos revendications.
Quelles sont vos revendications principales pour le retour de la démocratie en Irak ?
Le chaos qui règne actuellement montre que le nouvel ordre mondial bourgeois conduit par le gouvernement des USA aboutit à une impasse. Etablir la démocratie en Irak était un des prétextes propagandistes et mensongers des
USA pour déclarer la guerre. Leur politique est basée sur l’installation d’un gouvernement qui est principalement composé de forces religieuses,
ethniques et tribales. Ces forces n’acceptent même pas la liberté d’opinion les unes envers les autres, alors comment pourraient-elles l’accepter pour des millions d’Irakiens ?
La question du pouvoir et de l’établissement d’une société civile en Irak ne peut être résolue qu’en expulsant les forces US d’Irak dans l’intérêt du
peuple. Ceci n’est possible qu’à travers un pouvoir populaire. Les besoins immédiats du peuple d’Irak sont l’organisation et l’administration de leur vie civile, pain, logement, travail et sécurité. Ils doivent s’organiser en conseils et syndicats, c’est la seule garantie de bâtir une société civile et moderne en Irak. Ce n’est qu’à travers ces formes qu’ils pourraient
affronter l’Islam politique et les forces nationalistes.
voir aussi :
UUI, Case postale 325 CH-3000 Bern 11 - Tél. : 0041 78.882.55.89 - mail.
Source : Solidarité Irak.