PARE-PAP : vivent les contradictions !
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Au début était le programme Nouveau Départ appliqué par l’ANPE sur les chômeurs de longue durée non indemnisés (RMI, ASS).
Selon le zèle des agents, les convocations pouvaient se solder soit par une discussion à bâtons rompus sur l’air du temps, soit par un stage plus ou moins désiré, soit par des pressions plus ou moins aimables pour accepter un petit boulot, soit par une radiation.
Bref, une tentative de harcèlement organisé mais menée en amateur.
Au début était aussi le programme TRACE pour engager les jeunes dans le parcours piégé du salariat précaire.
Puis vint, pour les chômeurs indemnisés, le programme MÉDEF-CFDT 1ère mouture, sauvage, barbare : il se nommait CARE [1], c’était un contrat que devait signer le DE [2] qui autorisait l’ASSÉDIC via le PAP [3], à harceler, à radier à tour de bras.
Cachez ce contrat que je ne saurais voir ! gronda le gouvernement.
Le MÉDEF-CFDT le dissimula sous le nom de plan, substitua PARE [4] à CARE, lima un peu les dents de la barbarie, accepta que le harcèlement soit effectué par l’ANPE, sous contrôle de l’ASSÉDIC, mais ne cacha pas que le PARE seconde mouture était toujours un contrat.
Le gouvernement prétendit que non, que ce PARE-là n’était pas un contrat, et que le PAP n’était finalement qu’un programme Nouveau Départ-TRACE amélioré, tirant sa légitimité non du MÉDEF-CFDT mais du traité d’Amsterdam et de la Charte de Nice.
Le gouvernement fut si content de son ingéniosité qu’il décida que le PARE ne serait pas obligatoire mais que le PAP serait étendu à tous les DE, indemnisés ou non.
Les chômeurs, les agent-e-s de l’ANPE, les employé-e-s de l’ASSÉDIC, leurs associations et leurs syndicats se prirent la tête et se demandèrent comment le PARE pourrait ne pas être obligatoire si le PAP l’était.
Ils virent une multitude de contradictions dans les textes qui ordonnaient aux uns d’apposer des signatures sur ce qui ressemblait à un contrat et aux autres de ne pas tenir compte des refus de signatures.
C’est qu’on ne force pas facilement la notion de contrat à entrer à coups de tatanes dans le code du travail, même avec la complicité du conseil d’Etat.
C’est le bordel ! résumèrent des syndicats de l’ANPE.
Nous pataugeons dans les ambiguïtés grondèrent des plaignants.
Exigeons du gouvernement qu’il éclaircisse les nouvelles règles du jeu !
Mais, avons-nous les moyens d’obliger le gouvernement à l’éclaircir dans le sens que nous souhaitons ?
Sommes-nous assez forts pour l’amener à pondre une interprétation moins libérale du code du travail ?
Nous ne sommes plus en 1997...
Alors, vive le bordel ! Exploitons les contradictions !
Le formulaire d’adhésion au PARE ne se présente justement pas comme un formulaire d’adhésion.
Le PARE-PAP se glisse clandestinement dans ce qui prétend n’être qu’un rappel de « vos droits et obligations résultant des dispositions du code du travail  » :
« Vous vous engagez
- (...) A participer aux actions définies en commun avec l’ANPE et formalisées dans un PAP  ». (p.6)
« Je soussigné
- (...) déclare avoir pris connaissance des engagements décrits ci-dessus, au titre du PARE ainsi que des conséquences qui en découlent...
- note que je pourrai avoir accès au dossier qui fera le point sur ma situation et que les résultats de l’examen de mes capacités professionnelles resteront strictement confidentiels  ». (p.8)
Le règlement annexé à la convention dit, art1§3 : « Le versement des allocations et l’accès aux services (...) sont consécutifs à la signature du PARE  ».
Guigou [5] dit (Assemblée nationale, 9 mai 2001) : « D’abord, le PARE, conçu dans les précédents projets comme un contrat d’adhésion, était une condition de droit à l’indemnisation. Sa signature est devenue une formalité sans conséquence sur le versement des allocations. Le PARE ne conditionne donc plus le versement de ces allocations chômage ».
Le ministère du Travail dit (mémoires au Conseil d’Etat) : « Le refus du demandeur d’emploi de signer ces documents (PARE et PAP) ne constitue donc pas un motif de refus ou de suppression des allocations de chômage, dès lors que les conditions d’accès à l’indemnisation fixées par la loi sont remplies. Elles comprennent naturellement l’obligation de mener une recherche active d’emploi, déjà prévue par le code du travail  ».
Que pouvons-nous dire aux DE qui veulent biffer les mentions du Pare sur le formulaire ?
Qu’il est probable qu’il n’y aura pas une réponse unique des ASSÉDIC, que la plupart notera peut-être (ce n’est pas certain) ces rebellions épistolaires dans un coin d’ordinateur, histoire d’avoir à l’Å“il leurs auteur-e-s, mais que ceux-ci seront théoriquement indemnisés sans dégressivité, tout simplement parce que le refus de signer le PARE n’est pas un motif de radiation.
Que l’obligation de signer le PARE, c’est comme si, après avoir décrété que la vitesse est limitée à 90 km/h, le gouvernement ne décidait d’aucune sanction pour les chauffards roulant à des vitesses supérieures.
Que les allocataires ne peuvent être privé-e-s de leurs indemnités que pour motif de :
1. Refus, sans motif légitime :
- a) d’un emploi compatible avec leur spécialité ou leur formation antérieure...
- b) de suivre une action de formation prévue aux 1 et 3 à 6 de l’article L. 900-2, ou une action d’insertion prévue au chapitre II du titre II du livre III du présent code ;
- c) d’une proposition de contrat d’apprentissage ;
- d) de répondre à toute convocation des agents chargés du contrôle ;
- e) de se soumettre à une visite médicale...
2. Ne peuvent justifier de l’accomplissement d’actes positifs de recherche d’emploi... Le caractère réel et sérieux de ces actes est apprécié compte tenu de la situation du demandeur d’emploi et de la situation locale de l’emploi.
Que nous irons crier avec eux à l’ASSÉDIC si elle s’avise de rejeter leur dossier d’indemnisation.
Les seules personnes obligées d’adhérer au PARE sont celles en AUD [6] : si les textes ne permettent pas, théoriquement, de sanctionner les refus de signatures des DE inscrits depuis le 1er juillet, ils autorisent le maintien de la dégressivité pour les autres.
L’AFR [7] étant supprimée, elles sont aussi obligées d’adhérer si elles veulent entamer une formation.
La signature du PAP obéit au même raisonnement schizophrène.
La convention UNÉDIC dit que la signature est obligatoire : Le DE « s’engage, dans le cadre d’un PAP signé avec l’ANPE  ».
La commission permanente du Comité supérieur de l’emploi (JO, 6.12.2000) dit : « Le refus de signer le PAP élaboré avec l’ANPE n’emporte pas de conséquence en matière d’indemnisation. (...) Aucun DE remplissant les conditions nécessaires pour être indemnisé par le régime d’assurance-chômage, notamment en matière de recherche active d’emploi, ne pourra donc se voir refuser le versement des allocations auxquelles il a droit au seul motif qu’il a refusé d’apposer sa signature sur le document PAP  ».
Guigou dit (A.N., 9 mai) : « Le refus du DE de signer ces documents, PARE et PAP, ne constitue en aucun cas un motif de refus ou de suppression des allocations de chômage  ».
Après avoir balancé entre des interprétations contradictoires qui ont donné le tournis à ses agents, la direction de l’ANPE a finalement tranché (document interne : le dossier du manager) :
« Les actions à engager sont convenues entre le conseiller et le demandeur. Le conseiller édite le document qui formalise le PAP du DE. Le conseiller signe le document et le propose à la signature du DE en l’incitant à conserver ce document (l’ALE [8] n’en garde pas copie). La non-signature du demandeur ne lui est pas opposable (engagement à valeur symbolique et pédagogique mais non juridique) ; ce n’est pas une information à saisir  ».
Valeur pédagogique ou test de malléabilité, de soumission à l’autorité ?
En tout cas, voici l’agent de l’ANPE seul comptable du contenu du PAP.
Sera-t-il tenté, comme le redoutent certains agents, d’y inscrire des engagements à l’insu des DE concerné-e-s ?
La non-obligation de fait de la signature du PAP par les DE est un pousse-Ã -la-contestation.
Qu’est-ce qui prouvera que le/la DE était non seulement d’accord mais aussi informé-e des (mauvaises) intentions de l’ANPE à son égard ?
PAP POUR TOU-TE-S
Nous voici donc avec un dispositif commun à tou-te-s les DE, le PAP, dont les moyens financiers sont différents : le PARE-PAP financé en partie par l’Assédic et le PAP-ND pour les autres (et TRACE pour les jeunes).
Seul-e-s les réfractaires en AUD peuvent échapper au PAP.
Vont essuyer les plâtres les inscrit-e-s depuis le 1er juillet, les adhérent-e-s « volontaires  », les RMIstes nouveaux inscrits, les ASS [9].
L’an prochain, les PAP touchera 600 000 RMistes (au lieu de 200 000 cette année) et 250 000 titulaires de l’ASS.
Le scénario prévu (en gros) :
1 ) Le-la DE a un « profil professionnel  » en adéquation avec le marché du travail ou un projet qui, moyennant quelques actions d’adaptation ou de conversion, le formatera audit marché.
L’ANPE considérera qu’il-elle est autonome ou lui « prescrira  » un examen de capacité, un stage en entreprise.
2) Le-la DE est qualifiée (formation ou expérience professionnelle) mais pas formatée au marché de l’emploi : il-elle sera déclaré-e volontaire pour une évaluation de compétences et de capacités professionnelles (AFPA, organisme de formation, milieu de travail - stages ou contrat de qualif. adulte)
3) Le-la DE n’est pas qualifié-e et non casable immédiatement. Grand jeu : Evaluation de compétences et de capacités professionnelles, atelier, exceptionnellement bilan de compétences approfondi.
4) Le-la DE a un projet, une vocation qui sort de l’ordinaire : l’ANPE lui laisse trois mois pour y réfléchir et présenter un programme qui tienne la route au regard du marché du travail. Après, c’est 2) ou 3).
5) Si, après 6 mois, le-la DE n’a pas retrouvé d’emploi, il-elle a droit, en plus du reste, au bilan de compétences approfondi et/ou à l’accompagnement « personnalisé  » (autrement dit accompagnement culpabilisant).
A tous les stades, propositions d’emplois, n’importe quels emplois, Ã n’importe quelles conditions.
Le langage de certains cadres de l’ANPE est significatif : « L’ANPE fait le diagnostic, prescrit, notifie  ».
Dans les textes, les DE sont des clients, au même titre que les patrons. Un peu moins honorables que les patrons tout de même : les DE sont des « stocks  » à gérer.
DE de tous poils, refusons cette logique commerciale mais soyons teigneux comme de vrais « clients  ».
Refusons d’être traité-e-s en malades qu’il faut soigner par le travail forcé.
Les agent-e-s de l’ANPE ne sont pas tous prêt-e-s à jouer le rôle mi-flic, mi-infirmier psy que l’institution veut leur faire jouer.
Il faut les aider à résister.
Ils ne sont pas prêt-e-s à adhérer à AC ! ? Convions-les à des réunions de comités de liaison-bis.
Participons aux comités de vigilance du SNU-ANPE.
ASSÉDIC & ANPE nous parlent d’engagements réciproques ?
Prenons-les au mot.
Soyons offensifs.
Venons accompagné-e-s lors des négociations semestrielles du PAP. L’ANPE n’a aucun motif pour refuser cet accompagnement.
Revendiquons de l’argent pour payer timbres, téléphone, transports (à commencer par le défraiement pour toutes les convocations, quelle que soit la distance), frais de nourrice ou de garde d’enfants pendant les convocations ou pendant les stages.
Exigeons que les formations et les emplois que nous voulons soient inscrits sur le papier qui nous est remis.
En cas de refus, revenons à plusieurs, prenons à témoin à haute voix les DE présent-e-s. Les cadres de l’ANPE, qui entretiennent une atmosphère feutrée d’établissement pour grands malades, détestent les cris contestataires.
Ne signons rien qui ressemble à un contrat.
En attendant un nouvel agrément du volet financier du Pare, cette partie de la convention (contrats de qualification adulte, aide dégressive aux employeurs, aides à la formation) n’est plus obligatoire.
Utilisons cette petite victoire.
Les agent-e-s de l’ANPE ne savent pas sur quel pied danser ? Imposons-lui notre rythme, notre conception de ses missions de service public : Nous décidons, elle aide, assiste, conseille.
Imposons-lui notre lecture du code du travail : Non, les évaluations de compétences ne font pas partie des actions de formation qu’ils peuvent nous imposer, pas plus que les bilans de compétence approfondis.
La généralisation de ces évaluations et bilans est conçue pour déclarer les DE aptes au STO.
(A Alençon, au printemps, des secrétaires et des femmes de ménage ont été convoquées par l’ANPE qui leur a proposé de faire une formation de chaudronnier : les patrons n’arrivent pas à recruter.
Celles que nous connaissons ont pu refuser, mais maintenant, une petite évaluation des compétences, un bilan de compétences approfondi et le tour sera joué : elles seront déclarées bonnes pour le service !)
Si des agents nous pressent d’accepter stages ou boulots non désirés, sachons leur rappeler publiquement qu’ils touchent des « primes d’intéressement  » pour ces basses besognes (jusqu’à 3 600 F/an au bas de l’échelle, beaucoup moins que les « primes de responsabilités  » de la hiérarchie - jusqu’à 50 000 F pour un directeur régional).
Entretenons le malaise.
L’ANPE n’a pas encore les moyens humains et financiers de sa politique. Profitons-en pour imposer notre jurisprudence.
L’ANPE déteste que nous dénoncions ses offres d’emploi aussi précaire qu’illégales. Organisons des « journées de stigmatisation  » avec marquage des listings.
Nous constituons un « Livre noir  ». Il doit être alimenté par toutes les informations sur la mise en Å“uvre des Pare-PAP.
par Monique - AC ! Perche-Alençon - le 1er aoà »t 2001.
Article L900-2 du Code du Travail
Les types d’actions de formation qui entrent dans le champ d’application des dispositions relatives à la formation professionnelle continue, sont les suivants :
1. Les actions de préformation et de préparation à la vie professionnelle. Elles ont pour objet de permettre à toute personne, sans qualification professionnelle et sans contrat de travail, d’atteindre le niveau nécessaire pour suivre un stage de formation professionnelle proprement dit ou pour entrer directement dans la vie professionnelle ;
(...)
3. Les actions de promotion. Elles ont pour objet de permettre à des travailleurs d’acquérir une qualification plus élevée ;
4. Les actions de prévention. Elles ont pour objet de réduire les risques d’inadaptation de qualification à l’évolution des techniques et des structures des entreprises, en préparant les travailleurs dont l’emploi est menacé à une mutation d’activité, soit dans le cadre, soit en dehors de leur entreprise ;
5. Les actions de conversion. Elles ont pour objet de permettre à des travailleurs salariés dont le contrat de travail est rompu d’accéder à des emplois exigeant une qualification différente ou à des travailleurs non salariés d’accéder à de nouvelles activités professionnelles ;
6. Les actions d’acquisition, d’entretien ou de perfectionnement des connaissances. Elles ont pour objet d’offrir aux travailleurs, dans le cadre de l’éducation permanente, les moyens d’accéder à la culture, de maintenir ou de parfaire leur qualification et leur niveau culturel ainsi que d’assumer des responsabilités accrues dans la vie associative).
[1] Contrat d’Aide au Retour à l’Emploi.
[2] Demandeur d’Emploi.
[3] Projet d’Action Personnalisé.
[4] Plan d’Aide au Retour à l’Emploi.
[5] Ministre de l’Emploi du moment.
[6] Allocation Unique Dégressive.
[7] Allocation Formation Reclassement.
[8] Agence Locale pour l’Emploi.
[9] Allocation de Solidarité Spécifique.